Eric Budry | 29.11.2010 | 00:02
«J’interprète le vote des Genevois comme un appel à une amélioration des conditions de travail des vendeuses et vendeurs.» Heureuse de cette victoire sur le plan politique, Valérie Balleys entend bien la capitaliser sur le terrain syndical. La secrétaire syndicale du SIT aurait bien sûr tort de s’en priver. Mais la tâche sera ardue, car un assouplissement des horaires des commerces reste un objectif majeur des associations patronales et de la droite parlementaire.
Le débat est d’autant moins clos que patrons et syndicats vont devoir s’atteler immédiatement au renouvellement de la convention collective cadre du secteur. Cette dernière a été prolongée jusqu’en juin 2011 pour empêcher un vide conventionnel. Inévitablement, horaires et conditions de travail seront à nouveau posés sur la table des négociations.
A l’heure de l’analyse, dimanche, le conseiller d’Etat Pierre-François Unger ne faisait pas mystère de son désir de faire bouger malgré tout les choses. Plus tranquillement et de manière concertée. Si le patron PDC de l’Economie reconnaît pleinement l’échec de l’extension – «guère surprenant sans accord avec les syndicats» – il avance déjà ses pions pour la partie suivante.
Sauver les trois dimanches
«Je vais au préalable prendre le pouls des partenaires sociaux, mais il n’est pas exclu que je vienne prochainement auprès du Conseil d’Etat avec une proposition pour trois dimanches d’ouverture, a-t-il révélé. Car il est certain que le commerce genevois peut gagner des clients avec ces ouvertures dominicales.»
Les syndicats apprécieront sans doute modérément la volonté de Pierre-François Unger de s’impliquer pour sauver cette partie de la loi rejetée. Le patronat vraisemblablement un peu plus. Fabienne Gautier, présidente de la Fédération du commerce genevois, se projetait en tout cas déjà dans de futures négociations. «Nous avions beaucoup travaillé avec les syndicats pour obtenir un accord, acceptant même une fermeture harmonisée en semaine à 19 h 30. Nos partenaires avaient malheureusement tout refusé. Voyons maintenant ce qu’ils auront à proposer.»
Accord indispensable
Le rejet hier du nouvel horaire montre une nouvelle fois à quel point les Genevois sont attachés à ce que les employés de la vente reçoivent quelque chose en contrepartie de l’effort supplémentaire qui leur est imposé. En 2002, cette contrepartie avait été une extension de la convention collective de travail et quelques autres améliorations.
Résultat: l’horaire actuel avait été approuvé par 60% des citoyens. A l’opposé, en 1998, une initiative en faveur d’une nocturne hebdomadaire avait été balayée.
La carte du résultat par communes du scrutin de dimanche montre que le clivage gauche-droite ne suffit pas à expliquer entièrement l’échec du projet. Certes, les petites communes aisées comme Cologny ou Vandœuvres approuvent massivement le projet. De même que les fiefs de la gauche (la Ville de Genève, Vernier) le rejettent clairement. Mais on découvre aussi des lieux attachés à la droite qui ont dit non: Thônex, Le Grand-Saconnex, Hermance ou Laconnex.
Ce ne sont donc pas deux blocs idéologiques figés qui se sont affrontés. D’autres arguments ont porté et se sont additionnés. Outre les conditions de travail des employés, on pense à la mise en danger de certains petits commerces ou au refus plus fondamentaliste de la course à la consommation.