La vie n’est pas toujours rose, pour les grands centres commerciaux : symbolisant une ère consumériste qui apparaît maintenant comme en voie de dépassement, usines rationnelles d’une hyper-consommation dont les effets dévastateurs sont de plus en plus évidents, les résultats économiques de ces centres ne sont pas toujours à la hauteur des espérances des investisseurs qui sont derrière. Une solution : par un jeu de loi dérogatoires, leur créer des règles de concurrence leur permettant de redevenir les points de passage obligés de la consommation de masse. Vous en aviez rêvé ? Richard Mallié l’a fait. |
Le Figaro, 22/10/10
Relativement mal placés, pas suffisamment attractifs, les grands centres ouverts depuis trois ans n’obtiennent pas tous les résultats escomptés. La Vache Noire (banlieue parisienne), Lille 31 et Rivetoile (Strasbourg) déçoivent.
Flop retentissant. Ouvert il y a trois ans, le centre commercial «le 31», installé en plein centre de Lille tire la langue. Les magasins de vêtements Bershka et Pull and Bear ont fermé. L’enseigne de jouets la Grande Récré est déçue de ses résultats.
Avec la crise, les nouveaux centres commerciaux ont beaucoup de mal à trouver leurs marques. «Aujourd’hui, il y a davantage d’ouvertures ratées que de réussites, estime Michel Pazoumian, délégué général de Procos, la Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé. «Quand il fallait trois ans à un centre commercial pour être en vitesse de croisière avant la crise, il a besoin désormais de cinq ans», reconnaît, de façon plus diplomatique, Jean-Michel Silberstein, délégué général du CNCC (Conseil national des centres commerciaux).
Difficile de se prononcer pour le moment sur Okabe, inauguré il y a six mois au Kremlin-Bicêtre en région parisienne. En revanche, pour la Vache Noire, ouverte il y a trois ans à Arcueil, les avis sont unanimes: les résultats sont décevants. «Beaucoup d’éléments ont été ratés sur ce centre, explique Elisabeth Doutriaux, la directrice dedu développement de Geneviève Lethu qui a un magasin sur place. Sur la N 20, les accès étaient mal indiqués, le parking payant et la campagne de communication n’a pas été probante. Résultat, notre magasin n’atteint toujours pas ses objectifs de vente.»
Beaucoup de centres commerciaux connaissent des démarrages poussifs à cause d’une somme de détails qui ne pardonnent plus en période de consommation molle. La localisation d’abord. Comme les bonnes adresses sont occupées, les promoteurs des nouveaux centres choississent des lieux avec du potentiel… mais où tout est à inventer. Comme au centre Rivetoile à Strasbourg, installé il y a deux ans dans un quartier qui n’était pas au départ une destination naturelle pour faire ses courses.
Du coup, sa montée en puissance est plus longue qu’attendu. «Notre chiffre d’affaires est inférieur de 30% à nos prévisions, explique-t-on au sein d’une chaîne de magasins qui a une boutique sur place. A un moment, Leclerc se demandait s’il allait rester ou partir.» L’adhérent Leclerc n’a pas souhaité réagir. Mais Unibail qui gère ce centre commercial, a revu à la baisse les prévisions de fréquentation. «Aujourd’hui, nous sommes à 4,2 millions de visiteurs par an, explique Aline Sylla-Walbaum, directeur délégué du président au sein du groupe. Nous avions prévu d’être à six millions de visiteurs au bout de trois ans d’exploitation. En fait, il nous faudra cinq ans pour y arriver.»
Locomotives défaillantes
Un autre facteur joue des tours à quelques nouveaux centres: la faiblesse de l’hypermarché censé jouer les locomotives. Ouvert il y a treize mois à Montpellier, le centre commercial Odysseum est plutôt un succès. En un an, il a accueilli plus de six millions de personnes. Mais le Géant Casino installé sur la zone est beaucoup critiqué. «Il y a déjà un Géant à trois km de là, raconte Michel Pazoumian. Celui-là n’a pas l’effet d’entraînement escompté. Du coup, les commerçants installés dans la galerie marchande de l’hypermarché (le salon de coiffure Michel Dervyn, la Générale d’Optique, Marionnaud…) souffrent beaucoup.» Icade, qui gère Odysseum, n’est pas de cet avis. «Casino avait prévu de proposer à la vente des produits bio, haut de gamme, rétorque Antoine Fayet, membre du comité exécutif. Le groupe s’est vite aperçu que ça ne marchait pas et a fait évoluer son concept. Du coup, une dizaine de boutiques de proximité n’a pas eu assez de visites. Mais les 95 autres magasins ne se plaignent pas.»
A Dock 76, à Rouen, et à la Vache Noire en banlieue parisienne, Monoprix est censé jouer le rôle de locomotive qui pose problème. «Monoprix n’a pas l’attractivité de Leclerc, Carrefour ou Auchan, résume un expert. En plus, c’est un concept qui ne marche qu’en centre ville.» Cette somme de difficultés ne décourage pas les opérateurs. Sept ouvertures de centres commerciaux sont prévues en 2011. Soit 258 000 m2 qui s’ajouteront aux 14,5 millions de m2 existants.