Douloureux cas de conscience pour les bons pères du monastère de Ganagobie, pris en tenaille entre le respect des principes et l’appât du gain ! Il s’agit d’un choix cornélien : doivent-ils respecter le jour du Seigneur, ou ouvrir la boutique du monastère le dimanche, deniers supplémentaires qui permettraient de régler à César les charges sociales des employés salariés du monastère !? Il apparaît que la zone pourrait être classée zone touristique, nouveau jugement de Salomon qui rendrait légal quelque chose qui ne serait pas forcément moral. Il est quelques cas où gagner de l’argent, ne serait-ce que trente deniers, pique un peu les mains ! |
Perché sur la colline surplombant la vallée de la Durance, le monastère de Ganagobie abrite la communauté Sainte Marie-Madeleine, fondée à Marseille en 1865 par Dom Prosper Guéranger. Là, les moines bénédictins vivent depuis 1992 en autonomie, du fruit de leurs divers ateliers.
Dans une boutique implantée à quelques pas de l’abbaye, ils vendent leurs produits ainsi que quelques références échangées avec d’autres communautés. Leur petite entreprise est le seul commerce de détail sur la commune de Ganagobie riche de ses 108 âmes.
Suite à la loi du 10 août 2009 qui réglemente le travail du dimanche, la commune a demandé son classement en zone touristique à la préfecture des Alpes de Haute-Provence, condition sine qua non pour permettre une ouverture légale des commerces de détail le jour du Seigneur. Sur l’aspect législatif, cette demande n’a rien d’exceptionnel. « Il y a d’ailleurs plusieurs communes du département qui ont déposé une telle demande pour l’ouverture d’un ou deux commerce », rapporte Alain Quinsac, chef du bureau de la réglementation générale à la Préfecture.
« La boutique était déjà ouverte le dimanche, rapporte Denis Cezard, premier adjoint à la municipalité de Ganagobie. Nous avons donc souhaité être classés en zone touristique pour légaliser cette situation. La commune reconnaît le besoin d’autonomie financière de la communauté. » Or, les religieux ne relèvent pas du code du travail et peuvent donc travailler le dimanche, du moins sur le plan législatif. Cette mesure vise à encadrer l’activité de manière à permettre à la communauté de recruter un salarié par la suite.
Pas de solution miracle, il faut travailler pour gagner sa vie
En revanche, sur l’aspect spirituel, la question fait débat au sein de la communauté où un sondage a été réalisé pour connaître les volontés de chacun. « Nous sommes partagés, reconnaît le Père supérieur, frère René-Hugues de Lacheisserie : certains demandent la fermeture et le repos dominical tandis que d’autres, plus souvent au contact des visiteurs, sont favorables à l’ouverture. »
Les échanges sont arbitrés au sein de la Conférence monastique de France. « Il n’y a pas de solution miracle », ajoute le Père supérieur, « nous devons travailler pour gagner notre vie et pour partager. » Et à ce titre, les retombées économiques liées à l’ouverture de la boutique le dimanche ne sont pas à négliger, au regard « des charges sociales dont la communauté doit s’acquitter pour l’emploi de deux salariés sur le domaine », souligne-t-il.
En effet, c’est précisément ce jour que la fréquentation est la plus importante sur le site, notamment en période hors saison. Pour le classement de la commune en zone touristique, la Préfecture examinera ces critères ainsi que « le nombre de places de parking réservées aux visiteurs qui garantit un lieu d’intérêt touristique » explique Alain Quinsac.
Pour prendre leur décision, les services ont consulté les organisations professionnelles et syndicales. Et bien que l’approche spirituelle soit également relevée par les syndicats, à l’instar de la CFDT qui juge « l’idée burlesque et en contradiction avec leur philosophie », la décision semble être déjà prise : « Nous allons classer la commune en zone touristique », nous a-t-on confessés.
par Anita CANTO le 29/09/2010 à 05:00
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