Manifestations des « pour » et des « contre », recours en justice, ouvertures illégales, dérogations accordées puis supprimées… La vie du commerce français ne fut pas un long fleuve tranquille jusqu’au vote, en août 2009, de la loi autorisant l’ouverture dominicale dans des zones bien délimitées. Certains, côté syndical et politique, avaient pronostiqué que cette disposition, une fois appliquée, serait la porte ouverte à la généralisation du travail le dimanche et marquerait l’annonce d’un recul social.
D’autres, représentants de l’Église et des familles, avançaient qu’elle symboliserait la négation d’un temps de repos hebdomadaire « sacré », commun et nécessaire aux adultes comme aux plus jeunes. Un an après l’entrée en vigueur de la loi, qu’en est-il exactement ?
Recul social
Pour la CGT et Avelino Carvalho, secrétaire de la section commerce des Bouches-du-Rhône, « la loi sur le travail dominical marque un recul social »: « La qualité de vie des salariés et de leurs familles est mise à mal par le travail dominical qui supprime un jour commun consacré à la vie familiale, aux loisirs ou à la culture. Par ailleurs, cette loi participe à la déréglementation en matière de jours et d’heures travaillés, et vise à détourner des vraies questions portant sur la juste rémunération du travail pour tous. » Le représentant de la CGT prend comme exemple de déréglementation l’élargissement du travail dominical aux supermarchés de moins de 1000m², qui sont autorisés à ouvrir jusqu’à 13 heures.« Souvent, ils restent ouverts toute la journée avec des compensations financières pour les employés quis’échelonnent entre 25% et 50%. » La CGT et la CFDT sont les syndicats majoritaires à Plan-de-Campagne et ne sont pas signataires de l’accord de décembre 2009.
Un accord plancher
Contrairement à Force ouvrière qui, au plan national, a pris fermement position contre le travail dominical, l’union FO des Bouches-du-Rhône est signataire de l’accord de Plan-de-Campagne. Celui-ci permet aux salariés d’avoir deuxjours de repos, pas obligatoirement consécutifs par semaine et une majoration salariale qui représente 100% du Smic horaire et une prime de 4à 10% échelonnée sur cinq ans à partir du 18e mois d’ancienneté. « Insuffisant« , disent les syndicats non-signataires. « Il s’agit d’un accord plancher qui peut évoluer, affirme Alain Comba (FO). Nous avons signé à Plan-de-Campagne car la situation était existante et illégale depuis plus de 40 ans. Il s’agissait d’apporter des garanties aux salariés qui n’en avaient pas et d’éviter un millier de licenciements. Pour le moment, nous n’avons aucun recours de salariés nous disant que l’accord n’est pas respecté. En 2014, nous dresserons un bilan et, s’il le faut, nous ferons évoluer le texte« . Et de préciser que « le prochain combat à mener concerne les zones touristiques où aucune contrepartie salariale n’est accordée aux salariés présents le dimanche« . Les futures Terrasses du Port à Marseille, zone d’activité commerciale prévue pour 2013, risquent fort de donner lieu à une nouvelle bataille syndicale.
Pas de travail de fond
Même cas de figure pour la CFTC que pour FO. Si le syndicat local a signé de l’accord de Plan-de-Campagne, la confédération confirme, un an après la promulgation de la loi, son opposition au travail dominical : « Ce dossier a été traité avec amateurisme, sans travail de fond. Cette loi instaure une discrimination entre salariés, le paiement double et le volontariat ne sont pas toujours respectés, et aucune étude d’impact sur l’emploi, les effets sur le commerce et les conséquences sur le lien social n’a été réalisée. »Pour sa part, la CFTC avait fait réaliser un sondage d’où il ressortait que 83% des 25-44 ans sont contre le travail dominical, contre 65% des 19-24 ans et des 44-65 ans.
Nouvelle visibilité
Jean-Marc Avram, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, s’insurge contre le terme de « bilan mitigé » de la loi Mallié au bout d’un an d’application : « Cette loi a redonné à notre région un espoir que les uns et les autres commençaient à perdre à force de batailles juridiques incessantes. Elle a permis une nouvelle visibilité. » Il entend par là que le législateur a donné la possibilité aux commerçants d’envisager des investissements à long terme pour des projets structurants tels que l’amélioration de l’accessibilité à la zone de Plan-de-Campagne, l’organisation des parkings, et une sécurité plus grande. « Un comité de suivi a été mis en place après la loi Mallié, il poursuit sa réflexion sur les aménagements qui changeront la physionomie de la zone commerciale. » Pour l’heure, aucune réalisation n’a été entreprise.
La fête du commerce
Aurélien, 27 ans, est salarié du magasin d’articles de sport Décathlon de Plan-de-Campagne, il a fait le choix de travailler un dimanche sur deux. « Mon choix est tout à fait volontaire. Si je l’ai fait, c’est pour que le magasin puisse continuer d’exister. Plan-de-Campagne est bien plus attractif le dimanche qu’en semaine. De plus, c’est un plaisir pour moi car chaque dimanche est un peu la fête du commerce, les gens sont moins stressés ». Pour son travail un dimanche sur deux, Aurélien gagne 200 euros de plus par mois « ce qui est loin d’être négligeable », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Le travail dominical intéresse les étudiants qui sont embauchés à temps partiel, il leur permet de gagner plus ». Pour l’heure, le jeune homme n’a pas d’enfant. Il reverra « peut-être » sa position lorsqu’il sera père.
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Personnalités : Alain Comba, Avelino Carvalho,Jean-Marc Avram
Thèmes : ouverture dominicale, travail dominical,zone commerciale