Travail dominical: la loi sans effets qui réjouit le gouvernement et inquiète les syndicats

Libération, 10/08/10

Il y a un an, entrait en vigueur la loi Mallié sur le travail dominical. Adoptée au forceps, contre l’avis de nombreux députés UMP, la loi du 10 août 2009 affiche un bilan mitigé: le commerce dominical s’est peu développé. Le gouvernement prétend ne pas y voir d’inconvénient, les syndicats dénoncent une brèche et le manque de garanties sociales.

Qu’a changé la loi Mallié?

La loi Mallié du 10 août 2009 a créé les PUCE, les périmètres d’usage de consommation exceptionnelle. Ces PUCE ne peuvent être instaurées que dans trois agglomérations: Lille, Marseille et Paris. Le maire propose, le préfet autorise, puis les entreprises disposent. Les salariés qui travaillent dans ces zones bénéficient de certaines garanties sociales (lire plus bas).

Dans les zones d’intérêt touristique, la loi Mallié a élargi la gamme des commerces qui peuvent prétendre à l’ouverture dominicale: «avant, cela ne concernait que les commerces à but culturel et récréatif, explique Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint du syndicat CFTC.Aujourd’hui, tous les commerces, y compris les chaînes de vêtements, peuvent ouvrir».

Enfin, les commerces de détail alimentaire peuvent ouvrir jusqu’à 13h, au lieu de 12h auparavant.

Ces dérogations s’ajoutent à d’autres, plus anciennes: une dérogation préfectorale peut être accordée à des grandes surfaces ou à des entreprises industrielles qui fonctionnent en continu. Les municipalités peuvent aussi autoriser l’ouverture à tous les commerces, cinq dimanches dans l’année. Par ailleurs, un commerçant indépendant ou un franchisé peut ouvrir le dimanche en toute légalité, à partir du moment où il ne fait pas travailler un salarié.

D’après la CGT, hors services publics tels que la santé, 28% des salariés sont amenés à travailler le dimanche, plus ou moins régulièrement.

Cette loi a-t-elle entraîné un développement du travail dominical?

Depuis son entrée en vigueur, 15 PUCE (19 selon la CFTC) ont été créés. Seulement cinq nouvelles communes ou zones ont été déclarées d’intérêt touristique, portant leur nombre à 607.

«L’efficacité de la loi ne se mesure pas au nombre d’ouvertures, martèle-ton au ministère du Travail. L’objectif n’était pas de développer le travail dominical, mais de donner un cadre juridique sécurisé, aux salariés comme aux employeurs, à des pratiques existantes». Depuis plusieurs années, de nombreux commerces, à l’image de celui de Plan-de-campagne (Bouches-du-Rhône), ouvraient le dimanche, malgré l’interdiction.

Joseph Thouvenel reconnaît que «l’effet d’entraînement n’a pas été massif». «La demande n’existe pas en France pour travailler le dimanche, y compris chez les commerçants. Sur le boulevard Haussman, ce sont eux qui sont montés au créneau à la mairie pour éviter le classement en zone touristique»développe-t-il.

Pour Joseph Thouvenel, la loi Mallié bénéficie surtout aux chaînes de vêtements, qui ne pouvaient pas ouvrir auparavant dans les zones d’intérêt touristique. «L’effet ne peut pas se faire sentir au bout d’une année, mais à terme, ce sont les petits commerces qui sont menacés». Et de citer l’exemple de l’Angleterre: «avec l’ouverture des magasins le dimanche sous Thatcher, le nombre de vendeurs de chaussures est passé de 10.000 à moins de 350», soutient-il.

Quelles sont les obligations des employeurs en matière de compensation salariales?

«Les politiques ont menti comme des arracheurs de dents: ils ont tous promis pendant les débats que les salariés du dimanche seraient payés double et travailleraient sur la base du volontariat. Or, la loi ne garantit ces dispositions qu’aux salariés des PUCE», dénonce Joseph Thouvenel.

Dans les zones d’intérêt touristique, aucune obligation salariale n’encadre le travail du dimanche. La base du volontariat n’y prévaut pas. Seule contrainte: tout dimanche travaillé ouvre droit à un repos compensateur. Les syndicats dénoncent ainsi un système à deux vitesses.

La CGT demande que «soient tirées les conséquences, un an après l’entrée en vigueur de la loi: il faut encadrer le travail du dimanche, redéfinir les secteurs d’activité où il peut être légitime et préciser un socle minimum de compensations», énumère Thierry Goulay, en charge du dossier à la CGT.

 

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