La loi Mallié a légalisé les pratiques délinquantes de la grande distribution et introduit une discrimination entre salariés.
Libéraliser le travail du dimanche ? À en croire Nicolas Sarkozy, avant l’adoption de la loi Mallié le 10 août 2009, cela correspondait à une demande pressante et, pas de doute, ce serait tout bénéf. Pour le chef de l’État, ce serait, ni plus ni moins, « un jour de croissance en plus », « du pouvoir d’achat en plus » et, juré craché, cette journée de labeur supplémentaire ne pourrait être que volontaire et payée double. Un an après, le moins que l’on puisse dire est que le bilan n’est guère flatteur. Loin du rush prétendument attendu, seules trois nouvelles communes et deux zones supplémentaires, selon les Échos, ont été classées « d’intérêt touristique », ce qui, selon la loi, permet à leurs commerces d’ouvrir tous les dimanches. Dans le même temps, sous la pression des grandes enseignes, qui, bien souvent, ouvraient déjà le dimanche avant la loi, dix périmètres à usage de consommation exceptionnel (Puce), label autorisant l’ouverture toute l’année dans les grandes agglomérations (Paris, Lille, Marseille), ont été instaurés. « La loi n’a eu pour objet que de légaliser des situations jusqu’alors hors la loi pour répondre aux grandes enseignes », selon la CGT. Une prime aux délinquants, donc, mais un bilan économique à peu près nul.
Sur un plan social, la CGT comme la CFTC pointent un accroissement des inégalités. Alors que, dans les zones ou communes d’intérêt touristique, les magasins peuvent ouvrir sans laisser le choix et sans accorder de contreparties aux salariés, la loi stipule, pour les Puce, que le travail du dimanche doit être payé double (mais un accord collectif peut prévoir une plus faible majoration), et se faire sur la base du volontariat. « Au final, selon que son magasin se situe dans une zone touristique ou dans un Puce, un salarié de la même entreprise peut ou non refuser de travailler le dimanche et être ou non payé double. C’est une violation flagrante du principe “à travail égal, à salaire égal” », dénonce Joseph Touvenel, de la CFTC. Cela n’empêche pas le Medef d’en demander plus, en réclamant l’extension des « zones touristiques » dans les grandes métropoles, à commencer par Paris. La CGT, au contraire, plaide pour une redéfinition des contours des secteurs d’activité où le travail du dimanche est nécessaire, et une « remise à plat des critères et des compensations pour déroger au repos dominical ».
Yves Housson