Un an après l’adoption de la loi Mallié, la libéralisation du travail du dimanche est loin d’être généralisée.
Il a l’air déconcerté, Richard Mallié, le député UMP qui défend mordicus la loi sur l’ouverture des commerces le dimanche. Mardi, la réforme controversée aura un an sans que l’élu soit capable d’en dresser le bilan. « Le comité de suivi prévu par le texte ne se réunira que le 16 septembre pour commencer ses travaux. Il y a un peu de retard…« , avoue-t-il, un brin gêné. Un délai de plus. Une broutille, comparé aux deux ans d’atermoiements, de débats passionnés et de coup bas politiques (lire ci-contre).
Tout démarre en 2007, pendant la campagne présidentielle, lorsque Nicolas Sarkozy prône l’ouverture plus large des magasins le dimanche. Trois ministres du Travail, Xavier Bertrand, Brice Hortefeux et Xavier Darcos, se succèdent sur ce sujet épineux. L’opinion publique s’agite au gré des sondages, émissions spéciales et autres études. Faut-il consacrer le septième jour au repos ou à la consommation? Aujourd’hui, la loi permet le lèche-vitrines le dimanche dans les zones à intérêt touristique et dans les zones urbaines, les périmètres urbains d’usage de consommation exceptionnelle (PUCE). Dans les deux cas, commerçants, syndicats, maires et préfets doivent se coordonner sur les autorisations. Richard Mallié dispose de données éparses: quinze communes ont obtenu leur classement en zone d’intérêt touristique (Saulieu, Vichy, Santenay…). Beaucoup d’autres, comme Nice, attendent depuis des mois le précieux arrêté préfectoral.
Quinze villes, seize « PUCE »… et Paris fait de la résistance
« Tout va très lentement, car élus et commerçants sont divisés. Les petits patrons redoutent la concurrence des grands, les maires craignent de perdre des voix, les syndicalistes menacent de saisir les tribunaux. Dans certaines agglomérations, la situation est inextricable« , témoigne un porte-parole d’une enseigne nationale. Ces blocages irritent les groupes de distribution qui ont décroché l’accord des salariés. Decathlon, Galeries Lafayette, Boulanger ou encore Fnac, ont tous bouclé les négociations avec les syndicats sur le travail dominical… Tous attendent encore le feu vert des préfets.
Christian Eckert, député PS et membre du comité de suivi de la loi, critique: « Sur 560 villes homologuées à ce jour en France, il n’y a que quinze nouvelles villes, c’est très peu. Aucune commune n’est classée en Corse et dans les Alpes- Maritimes. J’imagine que des boutiques y ouvrent le dimanche en toute illégalité. Comme il y a un an… » Non seulement la loi ne clarifie pas la situation mais elle crée de nouveaux litiges, notamment dans le cadre des PUCE. Toujours selon Richard Mallié, il existe désormais seize PUCE en France (Plan-de-Campagne dans les Bouches-du- Rhône, Herblay dans le Val-d’Oise, Roubaix dans le Nord…) au lieu de la vingtaine espérée.
La justice parfois saisie
Le tracé des frontières de certains PUCE donne lieu à des réclamations et des procès. C’est le cas à Thiais (Val-de- Marne), où Belle Epine, premier centre commercial d’Europe avec 220 boutiques, ne peut ouvrir le dimanche alors qu’à 300 mètres de distance et sur la même commune, Thiais Village en a le droit. Alain Aurai, patron de Belle Epine, estime le manque à gagner entre 30 et 60 millions d’euros sur un an. Le commerçant a multiplié les courriers à Nicolas Sarkozy, au ministre du Travail et au préfet. Faute de réponse, il a saisi au printemps dernier le tribunal administratif de Melun en brandissant l’argument de la concurrence déloyale.
Paris est de loin le cas le plus complexe. Des Champs-Elysées à la rue des Francs-Bourgeois, le shopping du septième jour est légal dans sept quartiers. Mais Bertrand Delanoë a refusé d’étendre le principe à Haussmann, l’artère des grands magasins Printemps et Galeries Lafayette. Soucieux de la question sociale (volontariat, CDI…), il dit refuser « de banaliser » l’activité dominicale. En juin, le maire a demandé au préfet de transformer les zones d’intérêt touristique en PUCE pour que vendeuses et caissières bénéficient du doublement du salaire le dimanche.
Dans les zones d’intérêt touristique un tel avantage est discuté entre les représentants du personnel et l’employeur. Fin juillet, le préfet a refusé net. « Bertrand Delanoë aborde le sujet du dimanche de façon purement idéologique. Nous n’abandonnerons pas la partie. Le débat reprendra en octobre au Conseil de Paris« , s’emporte le député UMP Jean-François Lamour. La pression monte. Les patrons de supérette travaillent le dimanche après-midi alors qu’ils devraient fermer à 13 heures. Des quartiers comme celui du Forum des Halles ou Bercy Village devraient réclamer des autorisations. A Paris comme en province, la bataille du dimanche ne fait que commencer.