Le Parisien, 08/08/10
Censée remettre de l’ordre dans l’ouverture des magasins le dimanche, la loi Maillé votée il y a tout juste un an peine à convaincre.
Globalement, elle n’a pas vraiment dopé le commerce dominical, et dans les zones où elle devait simplifier les règles, elle engendre souvent conflits et cacophonie, sans apporter de vrai plus en termes de pouvoir d’achat aux salariés concernés. Décryptage.
Pas d’extension massive. Syndicats et patronat sont pour une fois d’accord: cette loi n’a pas dopé la pratique de l’ouverture le dimanche, même dans les centres commerciaux. «Il n’y a pas eu d’effet massif », constate Joseph Thouvenel, responsable de la CFTC. Tandis que, côté patronal, Jean-Marc Genis, président de la Fédération des enseignes de l’habiIlement (FER), parle de changements « très ponctuels ». Un temps tenté, Vivarte (André, Chaussland) a renoncé, faute de clients: «Cela ne leur ramenait que 300 € de plus de chiffre d’affaires par boutique: dérisoire! » explique un spécialiste du dossier.
Une exception, le commerce alimentaire. Le commerce de détail, lui, au contraire, a flairé la bonne affaire. Depuis la loi Maillé, les supérettes peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à 13 heures. Une brèche dans laquelle se sont engouffrées bon nombre d’enseignes. « Or beaucoup, au mépris de la loi, se sont mises à ouvrir toute la journée », dénonce Eric Scherrer (CFTC). Déjà signalée par notre journal, cette dérive a donné lieu à 67 procès verbaux rien qu’en juin dans la capitale.
Avantages zéro pour les salariés. Dans les 15 périmètres à usage de consommation exceptionnel (Puce) créés à Paris, Lille et Marseille, depuis la promulgation de la loi Maillé, le volontariat est normalement la règle et les salariés doivent être payés double. Mais à en croire la CFDT, on est loin du compte. A Plan-de-Campagne (Bouches-du-Rhône), la majoration est désormais «largement inférieure au doublement du salaire horaire et il n’y a plus de jour de fermeture fixe », dénonce Aline Levron (CFDT Services).
Même déconvenue pour les salariés des 41 zones touristiques existantes, où aucune majoration n’est obligatoire. Et quand elle existe, elle a tendance à fondre. «C’est le cas chez Giorgio Armani, boulevard Saint-Germain à Paris (VIe) où les salariés sont obligés de travaiIler un dimanche sur deux. Jusque-là, ils étaient payés double, ils viennent d’apprendre qu’ils n’auront plus que 0,2% du chiffre d’affaires réalisé ce jour-là », raconte Eric Scherrer (CFTC), qui dénonce une loi «ratée et injuste pour les salariés ».
Aline Gérard