Libération, 09/06/10
Par CHRISTIAN ECKERT Député PS de Meurthe-et-Moselle, maire de Trieux
Temps de vie, temps de travail, conflits d’intérêts personnels et collectifs, l’exemple de la loi sur le travail dominical est révélateur. Presque un an après sa mise en application, l’heure est au premier bilan : cette loi marque une régression sans précédent de nos acquis sociaux et les retombées économiques promises par le gouvernement ne sont pas au rendez-vous.
Le principal motif du vote de cette loi était économique. Il s’agissait de permettre ou de faciliter dans certains cas la consommation le dimanche, avec deux conséquences annoncées : l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés ayant accepté de travailler le dimanche et l’augmentation des échanges. Cette loi, qui répondait aux seules exigences du grand capital, n’a pas atteint ces objectifs.
Au-delà de cette considération, cette mesure emblématique de la première partie du quinquennat de Nicolas Sarkozy met aux prises deux conceptions de la société radicalement opposées. La société n’est pas un agrégat de consommateurs. Un individu porte plusieurs casquettes auxquelles sont attachées des fonctions sociales : il peut être à la fois mère ou père de famille, consommateur, membre d’une association, salarié […]. Sauf nécessité, le dimanche était un jour de repos pour tous, enfants et adultes, permettant à chacun de jouir de sa condition d’homme libre. Le gouvernement avait assuré que le travail dominical serait exercé sur la base du volontariat, mais le salarié n’a d’alternative qu’entre travailler le dimanche et perdre son emploi : il n’a pas de choix. Refuser cette condition revient à refuser de travailler. Il y a donc discrimination à l’embauche pour ceux qui refusent le travail dominical et obligation de travailler le dimanche pour ceux qui, poussés par la nécessité, sont volontaires malgré eux.
La condition nécessaire à l’instauration d’un vrai volontariat, serait l’augmentation des salaires. Le refus du gouvernement d’augmenter le Smic pousse de nombreux salariés à chercher d’autres sources de revenus, et pour ceux-ci, travailler le dimanche présente de lourdes conséquences. Un an après, cette loi a contribué à marginaliser davantage des populations fragilisées, et les abus ne cessent d’augmenter.