Depuis 30 week-ends, Corine occupe le parvis du magasin ED pour protester contre le travail du dimanche avec ses collègues.
« Je n’ai pas donné dix-huit ans de ma vie à ED, entre un smic de misère et un stress permanent, pour travailler en plus le dimanche. De toute façon, quoi qu’ils fassent, nous ne céderons pas ! » Les mots de Corine coulent mi-sourire, mi-colère. Trente week-ends consécutifs à occuper le parvis du ED d’Albertville pour un enjeu de dignité : ne pas travailler le dimanche.
« Une loi acquise au prix de batailles insensées par nos anciens qui n’avaient qu’une ambition : donner des couleurs de dignité au siècle, souligne Corine. Mon père, ouvrier, s’est syndiqué très tôt. C’est à lui que je pense quand je me bats. À mon fils aussi. Quand parfois vient le découragement, je me dis : quel monde va-t-on laisser à nos enfants ? Cette pensée me fait tenir debout ! »
Corine est fille d’usine. « Dès que l’on nous a intimé l’ordre de travailler le dimanche, la réponse est venue de suite, catégorique. Sur 11 filles, 9 ont refusé et le mouvement a commencé. » Ce « non » a aussitôt tissé la solidarité. Au prix de démarches, d’explications à la population, celle que l’on appelle en Tarentaise « la guerrière du dimanche » a attiré dans le combat les salariés d’autres supermarchés. À chaque manifestation, chaque regroupement ou fête locale, elles portent leur revendication de simple humanité. Et le noyau des résistants s’est étoffé, militants du PCF, chrétiens sociaux, familles, se sont ajoutés à celles qui dans le froid, répètent inlassablement qu’elles veulent vivre, tout simplement.
Du patron du petit commerce qui ne veut pas mourir au syndicaliste CGT qui défend le futur de ses enfants, le front du refus s’élargit chaque week-end. Corine est devenue un symbole. Plus même, un stimulant.
Michel Etievant