Depuis la fin février, Leader Price ouvre le dimanche matin. Une dérogation permanente qui chamboule et menace la donne sociale, dénonce Audrey Horus.
Elle s’est démenée comme un beau diable, a dû se résigner mais n’a pas dit son dernier mot. Audrey Horus répète à l’envi que les gens ont mieux à faire que de remplir et de pousser, sept jours sur sept, un chariot rempli de victuailles. Ce petit bout de femme aura réussi à porter le débat sur la place publique, via le réseau social Facebook, d’une voix assez forte pour que les RG viennent toquer à sa porte et que la CFDT réussisse à faire rebondir ce combat grâce à cette militante sociale d’un genre nouveau . Une militante excédée. Qui clame que le dimanche n’est pas jour du consommateur. Le 22 février, elle a lancé un groupe « Contre l’ouverture le dimanche de Leader Price Carcassonne ». Qui de fait, comme le lui autorise la nouvelle loi d’août 2009, est adepte de l’ouverture dominicale, jusqu’à 13 heures, depuis le 28 février. Audrey Horus, qui fait de temps à autre de l’animation dans les grandes surfaces, n’est pas employée de l’enseigne zone de la Bouriette. Son ex-compagnon, avec qui elle a eu deux enfants, oui. Et le week-end, c’est lui qui a la garde des petits. « Alors, déjà qu’il travaille le samedi… Le dimanche… », soupire-t-elle. Au-delà de son cas personnel, elle pense à toutes ces caissières et vendeuses qui élèvent seules leurs enfants. L’impact social de ce dispositif la met en colère : « La mise en place n’est pas basée sur le volontariat. Cela devient obligatoire et les gens ne sont pas payés plus. ça détruit la vie de famille, ça détruit les petits commerçants. Et quand toute la grande distribution s’engouffrera là-dedans, faudra-t-il rouvrir les écoles, les crèches, réorganiser les transports de denrées fraîches ? ». Dans l’enceinte du hard discount, une bronca a accueilli l’annonce de cette extension horaire. Une délégation de quatre employés a été reçue par Jean-Claude Pérez. Tout comme le maire l’avait fait au cours de l’automne dernier, lorsque des salariés de Géant l’avaient interpellé pour les mêmes motifs, il a redit son opposition à ces dérogations permanentes qui autorisent ce détournement du repos dominical. Mais il n’a aucune marge de manœuvre pour l’empêcher. « J’ai même eu le DRH du siège au téléphone, qui m’a dit que je ferais mieux de me taire, que je mettais l’enseigne en danger ! Un comble ! », raconte la jeune maman. Bon gré mal gré, les employés ont fini par se plier à ces nouvelles règles, édictées soi-disant pour le confort du consommateur. « Personne n’est dupe : les enseignes ouvrent pour remplir leur tiroir-caisse », rectifie Audrey Horus.
Ni la directrice de Leader Price Carcassonne, ni le DRH du siège n’ont souhaité répondre à nos questions.
le hard discount fera-t-il boule-de-neige ?
Béatrice Vergnes, syndicaliste CFDT en charge plus particulièrement de la question du travail du dimanche, craint l’effet boule-de-neige : « Leader Price a été le premier à ouvrir. Il ne faut pas se leurrer: si l’affaire s’avère économiquement intéressante, la grande distribution classique suivra» car les supers, les hypers, discounts ou pas, se livrent une concurrence féroce, aiguisée par la crise. Courant mars, elle a fait partie de la première table ronde mise sur pied par le préfet.
Le 23 février, Jean-Claude Perez a alerté le préfet par courrier. Anne-Marie Charvet lui a notamment répondu : « Seuls les partenaires sociaux dans le cadre d’une réunion de dialogue social peuvent restreindre le périmètre de cette loi. Un arrêté de fermeture du préfet ne peut être pris que sur demande des syndicats patronaux et ouvriers de la profession et de la région et sur la base d’un accord ». Des négociations ont été entamées en ce sens. Le second round de la discussion doit avoir lieu à la mi-avril.