Six mois après l’adoption de la loi sur le travail dominical, Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP et Jean-Claude Mailly, délégué général de Force Ouvrière, étaient attendus pour un débat qui a pris des allures de premier bilan.

« Ce débat sur le travail le dimanche est nécessaire », annonce en guise de préambule Xavier Bertrand. Pour lui, ce texte a permis «  de légaliser une situation qui existe de facto dans de nombreuses entreprises ». Jean-Claude Mailly dénonce, lui, « un vieux débat, dans la grande tradition de la dérégulation du code du travail.  Ce que fait le gouvernement, c’est légaliser l’illégalité. Certaines entreprises ne respectaient pas la loi quant au travail dominical. Plutôt que de les punir, la loi vient leur donner raison. Pourquoi ? ».

« Ce texte n’oblige personne mais permet de faciliter la situation de certains salariés ». Le délégué général de Force Ouvrière conteste cette thèse du volontariat : « Le but de la loi n’est pas de réglementer sur mesure, mais de considérer la condition des salariés dans sa globalité. C’est une banalisation du travail dominical qui est amenée par ce texte. Certains salariés, au moment de l’embauche, n’auront d’autre choix que d’accepter ces nouvelles conditions de travail ». A terme, les salariés seront « payés comme n’importe quel jour si cette situation s’enracine », et « on oubliera qu’avant on ne travaillait pas le dimanche ». Les applaudissements font sourire Xavier Bertrand : « Je sais bien que je ne suis pas en terrain conquis ici. Mais j’aime le débat ».

Le pouvoir d’achat en question

« Ouvrir plus pour gagner plus ? Non ! » proteste Jean-Claude Mailly, amenant l’idée que « si ces entreprises font des bénéfices le dimanche, c’est parce qu’elles prennent du chiffre d’affaires à leurs concurrents fermés. C’est du cannibalisme ». Xavier Bertrand contredit : « Ce n’est pas le problème. Le travail dominical permet aux travailleurs d’augmenter leur pouvoir d’achat ». Jean-Claude Mailly ironise : « A quoi bon ouvrir les magasins le dimanche ? Le jour où tout le monde travaillera le dimanche, il faudra fermer les magasins, car il n’y aura plus personne pour s’y rendre ». Le public est conquis.

« Qu’en est-il de la question du maintien de la cellule familiale et son bonheur ? » demande un auditeur soucieux de recentrer le débat. «Le but du gouvernement n’est pas de créer le bonheur, mais de créer les conditions de sa réalisation » répond Xavier Bertrand, sans convaincre. Les deux conférenciers en prennent pour leur grade : « Vous pensez tous deux de la même façon, soutient une auditrice. Je vous le dis moi : la raison de vivre des salariés n’est pas le pouvoir d’achat.. La consommation est une pathologie du lien social, a dit ce matin Pierre Rosanvallon. » Salve d’applaudissements dans la salle. Et si le bonheur devait s’émanciper d’une vision trop étroite de l’économie et du travail pour se réaliser pleinement ?

Josselin Brémaud (étudiant, Master journalisme Sciences po Rennes)

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RadioCampus Rennes – 26/04/10

Le travail le dimanche : FO et UMP, deux visions fondamentalement incompatibles

26 Mars 2010 à 18h47

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière (FO), a donné la réplique à Xavier Bertrand (secrétaire général de l’UMP) sur le thème « Jamais le dimanche ?». Dès l’introduction du débat se dessinent deux approches très différentes.

Pour Xavier Bertrand, le travail le dimanche est une adaptation de la loi à l’évolution de la société, et une réponse à une réalité qui s’impose. Ce à quoi Jean-Claude Mailly se refuse, en soulignant que quand une loi est transgressée, il n’est pas vraiment démocratique de la changer

Si l’on en croit les chiffres, 7,5 millions de Français travaillent d’ores et déjà le dimanche et parmi eux 3,5 millions le font tout les dimanches. Partant de ce constat, Xavier Bertrand développe l’idée que la loi doit rendre légal le travail dominical qui est aujourd’hui déjà une réalité. Très vite le débat s’oriente autour de la proposition de loi d’aout 2009. Ce texte n’a pas fait l’unanimité, aussi bien dans les rangs de l’opposition qu’au sein de la majorité. Pour Jean-Claude Mailly, il ne faut surtout pas aller vers une banalisation du travail le dimanche. D’après lui le caractère volontaire du travail dominical est « illusoire ». Le salarié n’a pas vraiment le choix s’il veut garder ou obtenir un emploi..

La situation des zones touristiques n’est que très peu débattue. Les deux parties sont plutôt favorables à l’ouverture des commerces le dimanche dans ces zones bien spécifiées. Par contre les situations frontalières relancent le débat. Xavier Bertrand, originaire de Picardie, prend comme exemple la frontière belge. En effet les magasins sont ouverts le dimanche de l’autre côté de la frontière (ce qui est faux, NDLR), et les commerçants français subissent une perte de chiffre d’affaire. Jean-Claude Mailly, quand à lui, nous explique qu’en Allemagne, les transgressions des entreprises au sujet du travail dominical sont sévèrement sanctionnées.

L’ouverture du débat au public oriente la discussion autour de problématiques plus larges, comme le pouvoir d’achat, les retraites, ou encore les situations précaires. Nous voilà bien loin d’un débat sur le bonheur. (gt)