On s’en souvient, Jacques Attali et sa fumeuse « Commission pour la libération de la croissance », avaient repris l’idée, entre 316 propositions censées « booster la croissance« , de faire travailler les salariés le dimanche. C’était la proposition 137, dont certains attendus, deux ans après, sont devenus particulièrement croustillants : Jacques Attali avait en effet écrit que « [le travail du dimanche] permet aussi des activités personnelles, familiales ou de formation en semaine »(!), ou bien encore que « La possibilité de travailler le dimanche doit être proposée prioritairement à […]certaines catégories de salariés à temps partiel qui souhaiteraient pouvoir augmenter leur nombre d’heures de travail. », qu’il « doit être proposée en priorité aux petits commerces de centre-ville avant de l’être aux grandes surfaces » ou encore que « les salariés qui accepteront de travailler le dimanche devront pouvoir bénéficier de réelles contreparties : salaires, formation, couverture sociale complémentaire, points de retraite, etc. » On voit qu’il y a très loin des paroles aux actes ! Manque de chance, ou inefficacité des propositions du gourou de secours, les résultats attendus sont loin d’être au rendez vous. Très loin, même. Qu’a cela ne tienne, on ne change pas une équipe qui perd : Nicolas Sarkozy a de nouveau demandé à Jacques Attali de plancher sur de nouvelles idées. Au secours ! |
Jacques Attali, cliché SIPA |
Rapport Attali : ce qui a été vraiment appliqué
Travail du dimanche, hausse du nombre de taxis, suppression des départements, class actions, suppression des marges arrière dans la grande distribution… Que sont devenues les 316 propositions de la commission Attali ? Nouvelobs.com fait le point.
Jacques Attali et sa Commission pour lalibération de la croissance française vont à nouveau plancher à la demande de Nicolas Sarkozy et François Fillon, a-t-on appris jeudi 25 février. Il avait remis en janvier 2008 un premier rapport listant 316 propositions. Objectifs : obtenir un point de croissance supplémentaire, ramener le taux de chômage à 5 % et réduire la dette publique. La crise est passée par là, et les objectifs sont évidemment très loin d’être atteints. Jacques Attali affirme que 138 de ses propositions ont été mises en œuvre. Qu’en est-il vraiment ? Nouvelobs.com fait le point sur les mesures-phares et leur état d’avancement… ou d’abandon.
APPLIQUÉ
– Adapter les dispositions du droit du travail sur le travail du dimanche.
La loi Mallié du 10 août 2009 autorise l’ouverture des magasins le dimanche dans les communes « d’intérêt touristique » ou thermales ainsi que dans les grandes zones commerciales des agglomérations de Paris, Lille et Marseille. Auparavant, ces magasins ouvraient le dimanche sur la base d’autorisations susceptibles d’être annulées par la justice. Dans les faits, le travail dominical ne s’est pas encore généralisé, mais provoque un certain nombre de conflits.
– Instituer un statut fiscal simplifié pour les entreprises qui réalisent moins de 50.000 euros de chiffre d’affaires.
Entrée en vigueur du régime de l’autoentrepreneur au 1er janvier 2009, dans le cadre de la loi LME. Ils étaient au nombre de 263.374 en octobre 2009.
– Sécuriser la rupture amiable du contrat de travail. La loi de modernisation du marché du travail a été adoptée par le Parlement en juin 2008. Près de 200.000 ruptures conventionnelles ont été signées en 2009 selon le Ministère du Travail.
– Restaurer la liberté d’installation des acteurs de la distribution, de l’hôtellerie et du cinéma.
La loi de modernisation de l’économie (LME), promulguée en août 2008 après un marathon parlementaire, a relevé de 300 à 1 000 m2 le seuil au-delà duquel une autorisation est nécessaire avant l’installation d’une grande surfacepour les villes de plus de 20 000 habitants. La loi présente un bilan « désastreux » concernant l’urbanisme commercial, selon un rapport d’étape parlementaire présenté en commission, en février dernier. « Des interrogations subsistent sur le nombre de m2 ouverts sans autorisation » pendant la période transitoire, selon le rapport.
EN COURS D’APPLICATION, OU APPLIQUÉ EN PARTIE
– Ouvrir très largement les professions réglementées à la concurrence (coiffeurs, chauffeurs de taxi, vétérinaires, pharmaciens et diverses professions juridiques).
Nicolas Sarkozy s’était déclaré contre la libéralisation des activités depharmacie dès la remise du rapport.
Rien n’est prévu concernant les conditions d’exercice des coiffeurs.
Les chauffeurs de taxis ont organisé plusieurs manifestations et opérations-escargot, faisant reculer le gouvernement. L’Etat et la profession ont signé en mai 2008 un protocole d’accord permettant une hausse du nombre de taxis. Paris en compterait désormais environ 4 000 de plus, mais le rapport en espérait au moins 20 000 et prônait des licences gratuites. En février 2010, des députés ont voté en commission un amendement abolissant le monopole des taxis parisiens dans les aéroports franciliens, au grand dam du gouvernement, lors de l’examen du projet de loi Grenelle 2.
Le métier d’avoué va fusionner avec celui d’avocat. Après plusieurs manifestations de la profession, le Sénat a considérablement modifié le texte en décembre dernier, et repoussé d’un an son entrée en vigueur, désormais fixée au 1er janvier 2012.
Enfi, une Autorité de la concurrence a été créé en février 2009 pour remplacer le Conseil de la concurrence.
– Réduire les délais de paiement des PME. La LME les a plafonnés à 60 jours (contre 30 selon le rapport). En novembre 2008, Xavier Bertrand, ministre du Travail de l’époque, a néanmoins dû rappeler à l’ordre sur le sujet Etat et collectivités locales. « On pourrait se féliciter d’une réduction moyenne de onze jours des délais de paiement, selon les chiffres transmis par le gouvernement », précise un rapport d’étape parlementaire présenté en commission, en février dernier, tout en pointant du doigt les dérogations.
– Accroître l’offre de logement social.
Le secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu, a annoncé en février 2010 que l’Etat va débloquer cette année 4,7 milliards d’euros d’aides pour la construction d’environ 140.000 logements sociaux.
– Supprimer les marges arrière. La LME devait restaurer la liberté de négociation des tarifs entre fournisseurs et distributeurs. Mais face à la chute de leurs prix d’achats, les agriculteurs se sont vigoureusement mobilisés contre les grandes surfaces en juin 2009. Fin octobre, Bercy a décidé d’assigner au civil neuf enseignes pour des pratiques abusives avec des fournisseurs con
statées par les agents de la DGCCRF (répression des fraudes).
– Accueillir plus de travailleurs étrangers et simplifier la délivrance d’autorisations de titres de travail. Les restrictions pesant sur les ressortissants des nouveaux pays membres de l’Union européenne ont été levées en juillet 2008, et les procédures assouplies pour les cadres étrangers de haut niveau.
– Laisser à tout salarié le choix de poursuivre une activité sans aucune limite d’âge en bénéficiant, à compter de 65 ans, d’une augmentation de sa retraite, en levant tous les obstacles aux cumuls emploi-retraite et supprimant tous les dispositifs de préretraite.
Concernant le cumul emploi-retraite, le plafond de revenu et le délai imposé avant la reprise d’un travail ont été supprimés au 1er janvier 2009.
– Constituer 10 grands pôles d’enseignement supérieur et de recherche autour de 10 campus, réels et virtuels.
Dix projets ont été retenus pour constituer des pôles universitaires d’excellence dans le cadre du plan Campus, doté de 5 milliards d’euros.
– Entreprendre la mise en place du très haut débit pour tous, à domicile, dans l’espace numérique de travail et dans l’administration.
Le plan France numérique 2012, présenté en octobre 2009, doit faciliter l’accès au haut débit, le développement de la fibre optique et des réseaux mobiles.
– Mettre en chantier dix Ecopolis, villes et quartiers d’au moins 50.000 habitants intégrant technologies vertes et technologies de communication.
Plusieurs éco-quartiers sont en chantier ou en projet, notamment dans le Nord et en Île-de-France.
NON APPLIQUÉ
– Réduire dès 2008 la part des dépenses publiques dans le PIB. Cette réduction devra atteindre 1% du PIB à partir de 2009, soit 20 milliards d’euros de réduction (…) par an pendant 5 ans.
Dans son dernier rapport annuel publié en février 2010, la Cour des comptes estime que la dette publique pourrait approcher 100 % du PIB en 2013.
– Renforcer les régions et les intercommunalités en faisant progressivement disparaître en 10 ans l’échelon départemental. Nicolas Sarkozy avait d’emblée annoncé qu’il était contre la suppression des départements. La mesure a divisé la majorité, Xavier Bertrand affirmant que l’hypothèse de « regroupements » était « toujours d’actualité », tandis que le secrétaire d’Etat aux Collectivités Territoriales, Alain Marleix, assurait le contraire. Nicolas Sarkozy a évoqué à plusieurs reprises la nécessité de réformer les structures territoriales. Statu quo pour le moment.
– Atteindre la moyenne européenne en matière d’activité des 55-64 ans d’ici cinq ans (soit 42,5 % contre 37,8 % aujourd’hui). Aucune avancée pour le moment. Xavier Darcos a indiqué en février dernier que le gouvernement prévoyait « d’interdire des plans sociaux qui s’appuient sur le départ prématuré des seniors ».
– Supprimer le principe de précaution de la Constitution. Nicolas Sarkozy s’était déclaré contre dès la remise du rapport.
– Cibler la prime pour l’emploi sur les bas salaires. La proposition a été abandonné lors de la création du revenu de solidarité active (RSA).
– Instaurer des « class actions » à la française. Le secrétaire d’Etat à la Consommation, Hervé Novelli, a repoussé leur création en octobre dernier.
– Se donner les moyens que tout élève maîtrise avant la fin de la sixième lefrançais, la lecture, l’écriture, le calcul, l’anglais, le travail de groupe et l’informatique.
Le gouvernement a prévu de supprimer 40.000 postes d’enseignants entre 2008 et 2010.
– Réduire le coût du travail pour toutes les entreprises en transférant une partie des cotisations sociales vers la contribution sociale généralisée (CSG) et la TVA (TVA sociale).
– Introduire une condition de ressources dans le versement des allocations familiales.
– Créer une agence guidant les PME de moins de 20 salariés dans leurs démarches administratives.
– Mobiliser tous les acteurs de l’emploi des jeunes et imposer à toutes les entreprises et collectivités publiques de présenter chaque année un bilan de la diversité par âge, par sexe et par origine. Le mécanisme de bonus-malus favorisant jeunes et seniors est abandonné.
– Considérer la formation de tous les chercheurs d’emploi comme une activité nécessitant rémunération sous forme d’un contrat d’évolution.
(Nouvelobs.com)