La loi « Mallié », prétendument d’initiative parlementaire alors qu’elle avait été réécrite plusieurs fois, et finalement imposée au forceps, par Nicolas Sarkozy, a laissé un souvenir amer aux syndicats, qui y ont vu, avec raison, un contournement des dispositions de la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007. François Fillon a insisté, au cours de ses voeux, pour que l’Assemblée se donne pour obligation de consulter syndicats et patronat avant l’examen de toute proposition de loi à caractère social, comme il en était du cas de la proposition du bon Docteur Carabistouille. Qui s’en plaindrait. |
Les Echos, 2/2/10
Matignon a demandé au Parlement d’instaurer une consultation obligatoire des syndicats et du patronat avant l’examen de toute proposition de loi à caractère social. Le Sénat s’est exécuté mi-décembre et l’Assemblée s’apprête à s’aligner.
Gérard Larcher (UMP) a le sens du dialogue social et de la suite dans les idées. Ministre délégué au Travail du Gouvernement Villepin, il était l’architecte de la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007, qui impose la consultation des partenaires sociaux avant l’examen d’un projet de loi gouvernemental sur les relations du travail, l’emploi et la formation. Désormais président du Sénat, il n’a pas tardé, à la demande en juillet du Premier ministre François Fillon, à dupliquer le dispositif aux propositions de lois de sénateurs portant sur les mêmes champs. L’objectif est de répondre à une demande récurrente des syndicats, qui dénoncent la multiplication d’initiatives parlementaires visant, selon eux, à les contourner, comme l’avait illustrée la polémique entraînée, au printemps dernier, par la proposition de loi du député Richard Mallié (UMP) sur le travail du dimanche.
Mi-décembre, le bureau du Sénat a adopté un « protocole » – expérimental jusqu’à septembre 2011 – qui prévoit, avant d’inscrire une proposition de loi à l’ordre du jour, de laisser quinze jours aux partenaires sociaux pour décider d’ouvrir ou non une négociation.
S’ils se lancent, le Sénat leur accordera « un délai raisonnable », le cas échéant prorogeable, pour négocier (Gérard Larcher évoque « deux ou trois mois »). En cas d’accord, les sénateurs garderont leur liberté au travers du droit d’amendement «mais ils ne pourront ignorer ce qui a été dit », assure Gérard Larcher. Ces dispositions ne s’appliqueront toutefois pas si le Sénat décide, « en cas d’urgence », de recourir à la procédure accélérée.
Les syndicats saluent cette mesure, conforme à leurs attentes, mais la question n’est pas totalement réglée. Pour prendre tout son sens, un tel dispositif doit aussi s’appliquer aux propositions de lois déposées à l’Assemblée nationale, comme Matignon l’a également demandé en juillet à son président, Bernard Accoyer (UMP).
Fillon a haussé le ton
Sans succès dans un premier temps : cet automne, les députés prévoyaient juste d’auditionner « systématiquement » les partenaires sociaux avant l’examen d’une proposition de loi, et de s’appuyer sur la possibilité, instaurée cet été pour les parlementaires, de solliciter l’avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Un manque d’ambition qui a poussé François Fillon à hausser le ton : le 20 janvier, lors de ses voeux aux parlementaires, il leur a rappelé qu’il juge « très important » qu’ils se dotent des «mêmes procédures de concertation des partenaires sociaux […] que celles que le gouvernement s’est engagé àmettre en oeuvre ». Le message est passé. Selon nos informations, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée, présidée par Pierre Méhaignerie (UMP), va se réunir d’ici à quinze jours pour examiner un nouveau dispositif qui s’inspire plus directement de celui adopté par le Sénat. Le principe de laisser une fenêtre aux partenaires sociaux pour négocier s’ils le souhaitent, noeud gordien du problème, est quasi acté. « C’est vers cela qu’on se dirige », confirme l’entourage de Pierre Méhaignerie. Les discussions devraient surtout porter sur le délai qui leur sera alors accordé, les députés souhaitant un encadrement strict afin d’éviter que les partenaires sociaux n’en profitent pour retarder, voire bloquer, des propositions de loi. D. P.