L’Homme Nouveau du 30/01/10 – L’humeur de Pasquin*
Il ne va pas bien l’ami. Cadre sup, bien sûr : bonne famille, bonne éducation, bonnes écoles… bonne paroisse, mais aussi belle petite carrière, belle petite femme, belle petite famille… belle petite pratique religieuse. Et évidemment grosse maison, grosse voiture, grosse ambition et petit denier du culte. Il a accepté un poste bien rémunéré et très valorisant. Directement rattaché à la direction générale de cette très grosse entreprise d’un groupe encore plus gros, il a pour mission de faire du « lobbying », de l’influence.
Il faut que les magasins de son entreprise puissent ouvrir le dimanche. Il doit convaincre, proposer des arrangements, avec les préfets, les maires, rencontrer des députés dont certains sont aussi « bonne famille, bonne éducation, bonnes écoles… bonne paroisse, belle petite carrière, belle petite femme, belle petite famille… ». Il doit faire bouger les lignes comme le lui a demandé sa direction !
Alors évidemment le dimanche, à la sortie de la messe, il n’est pas très bien, surtout quand il rencontre un cadre de sa boîte qui sait exactement ce qu’il en est. Alors évidemment il n’est pas très bien, surtout quand, dans un dîner, ça commence par « C’est vrai que t’es… ».
Combien sommes-nous, comme lui, à déconstruire lentement 2 ooo ans de christianisme, par ignorance, par négligence, par ambition, par lâcheté petite ou grande, par facilité, par confort ? Combien sommes-nous à gémir qu’on n’a pas trop le choix, que de toute façon ça ne changera rien puisqu’un autre le fera ? À penser que l’important est le devoir d’état, c’est-à-dire préserver : bonne famille, bonne éducation, bonnes écoles… bonne paroisse, belle petite carrière, belle petite femme, belle petite famille… belle petite pratique religieuse. Grosse maison, grosse voiture, grosse ambition et petit denier du culte.
Il va mieux l’ami ! Il va démissionner : « C’est plus possible, j’peux pasj’peux plus. » Deo gratias.
*Selon une tradition populaire de Rome, Pasquin était un tailleur de la cour pontificale au XV° siècle qui avait son franc-parler. Sous son nom, de courts libelles satiriques et des épigrammes (pasquinades) fustigeant les travers de la société étaient placardés sur le socle d’une statue antique mutilée censée le représenter avec son compère Marforio, à un angle de la Place Navona et contre le Palais Braschi.