Liberté politique, 20 novembre 2009
L’aval très rapide du Conseil constitutionnel à la proposition de loi sur l’extension des dérogations du travail dominical le 10 août dernier avait étonné. Peu regardants, les Sages avaient tout de même hésité à laisser une inégalité de taille s’installer à Paris. Ils avaient donc censuré l’exception capitale où le préfet se voyait attribuer les prérogatives laissées aux maires dans les autres communes de France.
L’étonnement est en passe de se transformer désormais en sidération. Une étape supplémentaire vient d’être franchie, malmenant une fois de plus les principes de la démocratie. À Paris, là où le maire a donc en théorie autorité sur l’organisation des zones ouvrant le dimanche, le préfet de région vient de franchir le Rubicon en remettant au ministère du Travail un rapport sur l’ouverture des magasins à Paris, sans avoir recueilli l’avis et les arguments des représentants des salariés.
C’est le dernier épisode d’un feuilleton à rebondissements ubuesques : fi donc de la censure du Conseil constitutionnel. À Paris, le gouvernement n’a pas la main mais, qu’à cela ne tienne, il la prend en proposant de nouvelles zones touristiques. Or ces zones ne sont pas des PUCE (périmètres d’usage de consommation exceptionnel), pour lesquels la loi a été faite…, c’est-à-dire qu’elles ne seront pas l’objet d’un doublement de salaire ni soumises au volontariat des salariés. Bref, le hold-up continue.
Dans un communiqué, le maire de Paris, Bertrand Delanoé exprime sa stupéfaction que le gouvernement continue sa provocation « en dictant sa volonté aux élus de la capitale ». Son adjointe PS rappelle que la Ville a lancé un groupe de concertation « rassemblant des élus de tous les groupes politiques du Conseil de Paris, ainsi que des représentants de l’État, pour examiner, en concertation avec tous les acteurs concernés (représentants des entreprises, des salariés, associations de consommateurs et familiales, mairies d’arrondissement, RATP…) l’éventualité d’un élargissement des ouvertures dominicales des commerces parisiens au regard de trois principes : leur justification économique, notamment en termes de création d’emplois, les garanties sociales réellement offertes aux salariés, l’avis des maires d’arrondissements et des habitants des quartiers concernés. »
De son côté, la CFTC trouve que le préfet dépasse les bornes et le fait savoir. Son dernier communiqué de presse particulièrement ferme montre que le syndicat chrétien n’entend pas céder un pouce de terrain aux promoteurs du travail le dimanche.
Le syndicat chrétien réclame des études d’impact sur l’emploi, la vie familiale des salariés, l’environnement. Le secrétaire général-adjoint, Joseph Thouvenel, relève non sans perspicacité qu’« il existe actuellement sept zones touristiques à Paris, et que « cette délimitation présente des limites, notamment des effets de frontières ». La CFTC rappelle que « la construction d’une société à visage humain présume un temps dans la semaine ou la production et la consommation sont entre parenthèses pour permettre la vie familiale, personnelle, associative et spirituelle. » H.B.