Sud-Ouest, 06/11/09, Dominique Richard
LA RÉOLE (33). Pendant des années, via une société écran, les gestionnaires de l’enseigne ont pu contourner la loi interdisant l’ouverture du magasin le dimanche
L’évolution récente de la législation sur le travail dominical facilitera sans doute la vie des magasins La Foir’Fouille, situés dans les zones touristiques et thermales ou dans le périmètre des très grandes agglomérations. Mais, pour bon nombre de commerces, la nouvelle loi ne devrait pas changer grand-chose. Exception faite d’un nombre limité de dérogations, ils devront continuer à fermer leurs portes le septième jour de la semaine.
Montage frauduleux
La SARL Aquitaine Diffusion, exploitante de La Foir’fouille de La Réole, en Gironde, pensait pourtant avoir trouvé une parade juridique infaillible pour fonctionner sans interruption. Depuis 1997, le dimanche, elle confiait la gestion du magasin à une société créée à cet effet, où certains de ses salariés apparaissaient en qualité d’associés. Ce montage, jugé frauduleux par la cour d’appel de Bordeaux, vient de lui valoir un sévère rappel à l’ordre sous la forme d’une amende de 30 000 euros, un montant plutôt inhabituel pour un tel type de contentieux.
La SARL Aquitaine Diffusion coiffe six établissements dans la région. Son gérant n’est autre qu’Yvan Rapoport, l’actuel PDG d’une enseigne en forte croissance qui comprend près de 200 magasins et réalise 450 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 1997, il ne faisait pas encore partie du groupe lorsque Aquitaine Diffusion incita le directeur de la grande surface de La Réole et son adjointe à démissionner pour créer la Société réolaise d’animation commerciale. S’ils ne s’étaient pas exécutés, ils couraient le risque d’être licenciés.
Présents sans être payés
Les démarches administratives relatives, entre autres, à la rédaction du contrat de prestation de services entre les deux sociétés avaient été confiées au cabinet Ernst and Young de Montpellier, au bénéfice duquel les deux salariés avaient signé des procurations. Le capital nécessaire à la création de la société écran avait été avancé par Aquitaine Diffusion. Devenus associés majoritaires de la nouvelle entité, l’ancien directeur salarié et son adjointe restaient présents en semaine dans les rayons de la grande surface.
Ils y exerçaient le même travail et les mêmes tâches que le dimanche mais sans être payés. La compensation s’opérait via un virement mensuel d’Aquitaine Diffusion au profit de la Société réolaise d’animation. Il permettait de rémunérer les deux anciens salariés (1 000 euros par mois pour l’adjointe), de régler les heures des autres employés intervenant le septième jour et d’acquitter les charges sociales. Ce n’est qu’en 2005 qu’un procès-verbal de l’inspection du travail décortiquera ce montage articulé autour d’une société écran privée de toute indépendance.
Ex-salariée sans droits
Aquitaine Diffusion a été poursuivie et condamnée pour travail dissimulé, une infraction beaucoup plus pénalisée que les entorses au travail dominical. Mais elle court désormais le risque d’être sanctionnée par le conseil des prud’hommes, devant lequel elle a été assignée par la salariée poussée à la démission pour devenir l’actionnaire de la société qui gérait l’établissement le dimanche.
« Heureusement que l’inspection du travail s’est intéressée à ce magasin et a déchiré le voile, observe son avocat, Me Jean Gonthier. En étant contrainte d’accepter cette gérance, ma cliente a perdu tous les droits attachés à sa qualité de salariée. Ses congés payés, mais aussi ses allocations de chômage. Après le contrôle, elle s’est retrouvée au RMI. »