Le marqueur fait fureur
Le marqueur est le marqueur du temps présent. C’est le mot à la mode dans la politique, devenu presque aussi incontournable que le fut en son temps le mot « incontournable ». Il emplit le discours des commentateurs. Impossible d’entendre une fine analyse politique à la radio ou à la télé sans lui. Il est aussi très présent dans la bouche des acteurs. C’est évidemment Nicolas Sarkozy qui a lancé la mode, fin 2008, en expliquant que l’extension du travail dominical était le « marqueur » de sa capacité à libérer la société de ses carcans. Mais, depuis quinze jours, le marqueur fait un tabac chez les gouvernants et les élus de droite. Dans son interview au « Monde », Jean-François Copé, le chef des députés UMP, a réussi à employer le mot deux fois, en bon élève rebelle du président : le bouclier fiscal, « marqueur du quinquennat », et les élections partielles, « marqueur » de l’électorat de droite. Pour le député villepiniste Hervé Mariton, « la défense de la politique familiale est un marqueur de la droite ». Pour d’autres responsables de droite, c’est plutôt la sécurité ou le travailler plus pour gagner plus. On pourrait glisser que la blague auvergnate est le « marqueur » de Brice Hortefeux. A gauche, en revanche, on n’aime pas le mot. C’est sans doute trop marqué, et aussi peut-être qu’on ne sait pas très bien quoi marquer.
Mais, à force d’entendre parler de « marqueur », on se demande ce qu’il veut dire, d’autant plus que son emploi n’est pas toujours très précis. On ouvre alors le Robert, hélas souvent oublié en cette époque d’électronique envahissante. Nos chers politiques ne veulent sans doute parler ni du marqueur de bétail, ni de l’homme qui inscrit les points au rugby, ni du footballeur qui envoie systématiquement le ballon dans les filets adverses, ni du gros crayon-feutre, ni de l’élément radioactif appliqué à un matériau afin de suivre son évolution. Non, seule la dernière acception semble convenir. Elle est médicale. Il s’agit de « la caractéristique qui dénote spécifiquement l’existence d’une maladie ». Le travail dominical ou le bouclier fiscal serait-il une maladie, le révélateur d’un cancer de l’action politique ? Non, on avait lu un peu vite. Le marqueur peut aussi révéler l’existence d’un gène. Il nous renvoie en fait au bon vieux débat de l’inné et de l’acquis qui fit, on s’en souvient, les belles heures de la campagne électorale d’un certain Nicolas Sarkozy. Belle continuité.