C’est un article assez mal venu que nous livre La Croix sur la situation de Lyon. Avancer l’hypothèse que l’opposition de Lyon au travail dominical relèverait d’une « convergence entre convictions religieuses et philosophiques […] l’humanisme religieux et l’humanisme laïc, fortement ancré dans la franc-maçonnerie. » relève soit de la désinformation, soit d’un angélisme naïf : tout le monde connait l’engagement forcené de Xavier Bertrand, franc-maçon militant, pour le travail du dimanche. Les motifs sont plutôt économiques et électoraux, à chercher dans ce que dit le député Meunier « si le verrou de Lyon sautait, les villes de la région suivaient, et déclenchaient un effet “métastase” inacceptable. ». Mais écrire dans cet article que « la majorité [des élus], élus de droite en tête, se sont en effet mobilisés contre l’ouverture dominicale » est une demi-vérité au goût amer : il faut rappeler que sans le vote des députés et sénateurs UMP du Rhône (et d’Alsace-Lorraine), qui ont voté POUR la loi Mallié-carabistouille, alors qu’ils en avaient refusé l’application sur leur territoire, cette loi ne serait pas passée. |
La tradition humaniste de la capitale du Rhône lui a permis d’échapper à la loi assouplissant le recours au travail du dimanche (NDLR : il ne s’agit pas d’un assouplissement, mais d’une extension du régime dégoratoire)
Touche pas à mon dimanche ! Sans tambour ni trompette, Lyon a discrètement forgé un consensus pour échapper à la loi assouplissant la législation sur le travail dominical, adoptée en juillet dernier. Avec un mot d’ordre rassembleur, « préserver la vie familiale », résume Amar Lagha, chargé du commerce à la CGT du Rhône, en écho aux déclarations des parlementaires, des commerçants, et aux propos du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, dans une tribune parue début décembre dans Le Monde.
Étonnant attelage. « Pour une fois, les élus ont exceptionnellement répondu à nos courriers, s’amuse le syndicaliste. Ils étaient sur la même ligne que nous ! » Si certains des 14 députés du Rhône ont observé un mutisme prudent, la majorité d’entre eux, élus de droite en tête, se sont en effet mobilisés contre l’ouverture dominicale, rejoints par leurs collègues des départements voisins, soucieux de protéger leur propre commerce de proximité.
« C’est l’un des rares sujets d’unanimité entre droite et gauche », souligne Jean-Louis Touraine, premier adjoint au maire de Lyon. Pour quelle raison ? « Inutile de se le cacher, répond l’élu socialiste. Que les gens soient croyants ou non, certaines valeurs demeurent ancrées chez les habitants, pour qui le dimanche est la journée du rassemblement familial. »
« L’exception, c’est le travail dominical »
L’unanimisme lyonnais sur la question témoignerait ainsi d’une « convergence entre convictions religieuses et philosophiques », souligne Luc Champagne, animateur des Semaines sociales de France à Lyon, berceau du catholicisme social. « Deux courants humanistes dialoguent ici, l’humanisme religieux et l’humanisme laïc, fortement ancré dans la franc-maçonnerie. »
Lyon aurait-elle fait plier Paris ? Philippe Meunier s’en défend vigoureusement, même si le député de l’Est lyonnais reconnaît que « l’ensemble des acteurs du corps social ont réagi dans le même sens. Le texte peut laisser croire que Lyon est une exception, mais l’exception, c’est le travail dominical, insiste le meneur de la fronde. Je suis un député de la Nation, je représente le peuple souverain, je légifère pour la France. Seulement si le verrou de Lyon sautait, les villes de la région suivaient, et déclenchaient un effet “métastase” inacceptable. »
Il n’empêche. L’exposé des motifs de la loi sur le repos dominical, qui autorise, entre autres, l’ouverture dans les unités urbaines de plus d’un million d’habitants, indique en toutes lettres qu’« il n’existe pas d’usage de consommation le samedi et le dimanche dans l’agglomération lyonnaise », qui s’en voit ainsi – pour l’heure – exemptée. Une véritable curiosité législative.
« La culture catholique est peut-être un peu plus forte »
Les commerçants lyonnais en sont tous d’accord : il n’y a pas foule le dimanche rue de la République, la grande artère du centre-ville. De fait, les commerces de l’agglomération ne demandent en moyenne que trois ouvertures exceptionnelles par an, quand la loi leur en autorise cinq. Et aucun magasin n’a jamais violé la loi.
« Est-ce rentable d’ouvrir ? c’est la seule question qu’un professionnel se pose, et la réponse est non », assure le directeur d’un important centre commercial, hostile à l’ouverture dominicale. « Contrairement à ma direction nationale », glisse-t-il. D’ailleurs, lors d’une réunion à la chambre de commerce et d’industrie (CCI), « personne n’était en faveur de la loi, rapporte Bruno Tarlier, son vice-président. Ni les grandes enseignes, ni les hypermarchés, ni les petits commerçants, de l’hyper-centre ou de la périphérie », détaille-t-il.
Les responsables politiques ont suivi. Y compris Gérard Collomb, bien que le maire (PS) de Lyon se soit gardé de monter au créneau sur le sujet, soucieux de ménager l’avenir et les intérêts des grands centres commerciaux inaugurés dans le Grand Lyon ou en passe de l’être (Carré de soie, Confluence, OL Land). Ajoutant toutefois, lui aussi, que « la culture catholique est peut-être un peu plus forte qu’ailleurs ».
La pratique religieuse n’a pas été un argument
Pour autant, si l’humanisme lyonnais a formé le terreau sur lequel a poussé l’hostilité à la loi, il n’a pas joué les premiers rôles. Excepté la tribune du cardinal Barbarin, le sujet n’a pas été porté par l’archevêché, où l’on ne mentionne que de « rares contacts » à ce sujet avec les décideurs.
Si la question a été effleurée en novembre, au cours d’une réunion du « G9 » qui réunit les responsables religieux lyonnais, il n’a pas été abordé au sein de Concorde et solidarité, qui les réunit cette fois autour du maire. Et la question de la pratique religieuse dominicale n’a pas été un argument mis en avant par les parlementaires.
« Il n’y a pas eu de débat idéologique », rapporte aussi Denis Broliquier, maire du 2e arrondissement de Lyon, qui, comme « élu local attaché à la décentralisation », se félicite de la décision adoptée par le « Parlement national », qui a fait valoir « la différenciation des territoires. Pour une fois, le législateur n’a pas mis tout le monde sous la même enseigne. Cela prouve que des élus avec un fort ancrage local sont capables de se faire entendre. »
Pour Georges Cellerier, président des commerçants de la Presqu’île, « la détermination des commerçants a été entendue et a trouvé une réponse politique ». À l’inverse, Amar Lagha fait part de l’« inquiétude » de la CGT. « Pour nous, il ne s’agit en aucune manière d’une victoire pour Lyon, mais
d’une défaite pour la France, estime-t-il. Cette loi remet en cause l’égalité républicaine. Et c’est grave. »
Bénévent TOSSERI (à Lyon)
Les Lyonnais, vus par Pierre-Emile Legrand :
On dit que les Lyonnais sont gens tristes et froids.
Avares, méfiants et même un peu sournois,
Qu’un intense brouillard de Brotteaux à Fourvière
Assombrit leur cité comme leur caractère.
C’est pas vrai, nom d’un rat, les gones de chez-nous
Sont ni des constipés et ni des cognes-mous !
S’ils crânent un peu moins que nos « capitalistes »
Et si des Marseillais souvent un peu fumistes,
Ils n’ont ni la faconde ni l’air avantageux,
C’est que modestement, ils se trouvent heureux.
Avoir de bons amis avec qui on lichotte,
Ou bien, le soir venu, embrasser sa fenotte,
Loin des caquenanauds curieux et médisants :
Voilà notre bonheur bien simple et bien canant !