Après quatre tentatives infructueuses, le gouvernement est parvenu à ses fins concernant l’extension du travail dominical : le jeudi 23 juillet, le Sénat a adopté sa loi.
De justesse car, outre ceux de gauche, un certain nombre de sénateurs de l’UMP ont voté contre, et la loi n’est passée qu’à une courte majorité, 165 voix contre 159. Mais dorénavant la loi est définitive, car le texte voté est identique à celui adopté par les députés. Et malgré les contestations des partis de gauche sur plusieurs points, le 6 août, le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel des articles de cette loi. Sans perdre de temps, Xavier Darcos, ministre du Travail, a promis aux employeurs la promulgation des décrets d’application pour le mois de septembre.
Ce texte de loi, compliqué à souhait, va sans conteste banaliser encore un peu plus le travail du dimanche. Pour tous ceux qui travaillent dans les communes concernées par cette loi, l’ouverture dominicale des magasins de détail sera « de droit ». Les salariés ne bénéficieront d’aucune contrepartie : ni majoration salariale, ni repos compensateur. Dans ces « communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle », le dimanche sera un jour comme les autres. L’UMP affirme que seules 497 communes seraient concernées. Mais il est évident que ce n’est qu’un début : la loi prévoit que le préfet pourra distribuer ce nouveau label, créé pour l’occasion, aux communes qui le demanderont. Le Code du tourisme recense 6 000 communes touristiques. Et il est probable que les commerçants des villes voisines des communes labellisées chercheront eux aussi à ouvrir le dimanche, avec des surcoûts salariaux inexistants.
Paris, Lille et Aix-Marseille ont droit à un régime particulier supplémentaire. Pour ces trois agglomérations, des PUCE (Périmètre d’usage de consommation exceptionnel) pourront être créés, en plus et à côté des « zones touristiques et culturelles », avec cette fois des contreparties pour les salariés en termes de repos compensateur et de majoration salariale. Ainsi des salariés, bien que travaillant pour le même groupe, auront des statuts différents en fonction de l’implantation géographique du magasin où ils travaillent !
La loi précise que le « volontariat » des salariés du dimanche sera la règle. Mais les articles de loi censés protéger ces volontaires montrent déjà ce qu’il faut penser de ce « volontariat » : par exemple, en l’absence d’accord collectif, le salarié ne pourra refuser de travailler que trois dimanches par an. Et encore, il devra prévenir un mois à l’avance. Et surtout, il va y avoir la pression des commerçants sur leurs employés, le chantage à l’emploi, ouvert ou hypocrite, la peur du chômage, la banalisation, la « normalisation » de l’ouverture des magasins. Et le pompon de l’hypocrisie, c’est le rappel solennel figurant à la fin de la loi et qui enjoint de « veiller au respect du principe du repos dominical posé à l’article L.3132-3 du Code du travail » !
Bertrand GORDES