La Dépèche, 15/08/09
Après un parcours long et chaotique, l’extension du travail dominical commence dès demain.
Pour la première fois demain, le dimanche va devenir un jour comme les autres. Enfin presque. Car si le texte de loi paru en début de semaine au Journal Officiel signe la fin du principe du repos dominical en vigueur depuis1906, l’extension du travail ce jour-là se fera « progressivement », reconnaissait-on prudemment, hier, dans l’entourage de Xavier Darcos. Cette réforme contestée et retardée par une partie de la droite et finalement imposée à la hussarde et à la hâte pour répondre à une exigence présidentielle dans le droit fil du « travailler plus pour gagner plus », n’entrera en vigueur dans sa totalité qu’à la rentrée. Les changements ne concernent en effet pour le moment que les magasins d’alimentation, qui fermeront demain non plus à midi mais à 13 heures. Pour les commerces de détail (ameublement, prêt-à-porter), on attendra septembre et un décret d’application susceptible de dissiper le flou (et les polémiques) sur les dérogations.
Seules les communes dites « d’intérêt touristique » ou thermales peuvent désormais ouvrir de manière permanente le dimanche (et non plus exceptionnellement cinq dimanches par an). Mais selon la définition du Code du travail, sur lequel se base le texte de loi ou celle du Code du tourisme, leur nombre varie entre 500 (à peine une dizaine dans le Grand Sud) et 6000 !
Cette liste des zones « d’intérêt touristique » doit donc être précisée. C’est au préfet, sur demande du maire, qu’il incombera ensuite de décider, au risque de faire des déçus.
Des négociations devront aussi avoir lieu dans les entreprises. Ce ne sera pas simple, le texte ne prévoyant des contreparties obligatoires que pour les salariés travaillant le dimanche dans des « périmètres » de consommation de plus d’1 million de consommateurs mais pas ailleurs. Une rupture de « l’égalité territoriale » pour les salariés que syndicats et opposition continuent de contester.
Marie Lagedamon
Les dérogations ouvrent le débat à Albi
Les grandes surfaces sont ouvertes aujourd’hui à Albi, jour férié, mais demain, les commerçants seront bien au repos. Car ici, rien n’est joué.
Ce n’est qu’en septembre qu’on saura si Albi, parmi beaucoup d’autres villes est oui ou non une « commune d’intérêt touristique ». Les décrets d’application de la loi devraient permettre de le dire.
Pour l’heure, les Albigeois sont dans l’expectative. « On attend de connaître toutes les règles du jeu. Il nous semble prématuré de faire des plans sur la comète», commente Christelle Guillaumot, conseillère municipale au commerce. «Si Albi entre dans le cadre de cette loi, il y a une réflexion à mener, mettre en balance l’enjeu économique, et l’enjeu sociétal, humain. La conjoncture est ce qu’elle est. Nous sommes aussi en attente du classement Unesco. Y a-t-il une carte à jouer ? » se demande l’élue.
Si la mairie pèse les pour et les contre, il y en a qui ont déjà fait leur choix. La Fédération des commerçants d’Albi en la personne d’Alain Pélissou, son président, coiffeur à Albi, « espère que cela ne se pratiquera pas ici » et affirme avoir le soutien de plusieurs députés et de responsables de la grande distribution. « C’était très bien comme ça, cinq dérogations dans l’année », estime-t-il, ciseaux et peigne à la main, coupant les cheveux d’un client qui pour sa part « ne voit pas l’intérêt de cette nouvelle loi ».
D’autres aussi ont déjà fait leur choix. Sylvain et Sophie Sallaud, trentenaires, travaillent le dimanche depuis décembre 2008 dans leur supérette de l’avenue Gambetta. « La loi est surtout applicable aux salariés, nous nous sommes cogérants. On avait le choix et on a pris le parti du dimanche. C’est intéressant. C’est une grosse journée pour nous, en tant que commerce de proximité », fait valoir Sylvain.
« Travailler six jours sur sept, c’est une habitude maintenant, et ça ne gêne pas notre vie de famille, soutient Sophie. J’y vois même un certain avantage. Le mercredi, notre jour de repos, tout est ouvert. On peut aller faire du shopping ! » Mathias Azéma est directeur adjoint du plus grand magasin de vente au détail d’Albi- 1 500 mètres carrés-, et il emploie 21 personnes. L’enseigne de son magasin semble connaître quelques difficultés, « une baisse de clientèle depuis février ». Ca ne l’étonnerait donc pas de devoir ouvrir son commerce les dimanches, pourtant… « Je n’y suis pas particulièrement favorable, dit-il. Nos arrière grands-parents se sont battus pour nos droits. Il faut penser aux conditions du salarié avant tout. Mais je n’ai pas tous les pouvoirs non plus, si ma hiérarchie me demande de le faire… ». Nadine Verdeil, quatorze ans d’ancienneté, fiche de paye en main (1 258,28 €) a constaté « une régression » de ses conditions de travail. « Il y a des jeunes qui montent, il faut se battre pour eux », dit-elle.
François, 23 ans, écoute Nadine: « Je ne suis pas contre le principe; c’est pas grave, si tu récupères un autre jour. Moi je travaille et puis voilà », dit-il. Une question reste en suspens : Albi sera-t-elle logée à la même enseigne que les autres « communes d’intérêt touristique » ?
Corentin Binet
Le point dans la région
Ce qui va changer demain :
Comme partout ailleurs en France, le changement ne touchera que les magasins d’alimentation, qui resteront ouverts à partir de demain une heure supplémentaire, de midi à 13 heures.
D’autres magasins de détails seront certes ouverts mais conformément à des dérogations exceptionnelles accordées par le maire (cinq dimanches annuels pouvant être autorisés).
Les zones déjà classées « d’intérêt touristique » ou thermales :
D’après le Code du travail, figurent dans cette catégorie les villes de Luchon, Barbazan ou Saint Bertrand de Comminges en Haute-Garonne, de Castres ou de Cordes-sur-Ciel dans le Tarn ou de Leucate,Sigean ou encore Gruissan dans l’Aude.
En théorie donc, leurs commerces de détail peuvent déjà ouvrir. Dans les faits, ils préfèrent attendre le décret de septembre.
Les zones qui pourraient être classées :
De grandes villes comme Toulouse, Albi, Carcassonne ou Montauban n’entrent pas dans ces communes « d’intérêt touristique ».
Elles pourraient en faire la demande, une fois les précisions apportées par le décret d’application.
Depuis le 11 août dernier – date de la parution officielle de la loi au Journal officiel -, les préfectures ne font encore état d’aucune procédure engagée par des maires dans le Grand Sud.
Exceptions :
En Tarn-et-Garonne, l’extension du travail dominical pourrait être neutralisée par d’autres arrêtés préfectoraux qui interdisent sur l’ensemble du département l’ouverture le dimanche des magasins de meubles et, seulement sur Montauban et sa périphérie, les magasins de prêt-à-porter.