Tonton Carabistouille avoue ce que nos lecteurs savaient déjà : l’objet de son texte n’était pas la croissance ou l’économie, « mais il s’agissait surtout de légaliser certaines ouvertures déjà effectives pour ne pas risquer de voir disparaître plus d’un millier d’emplois dans certaines zones comme à Plan-de-Campagne » Sauf qu’un emploi créé à Plan de Campagne, c’est probablement trois emplois supprimés à Marseille. |
LE MONDE | 08.08.09 | 14h05 Claire Gatinois
Après des mois et des mois de bataille, le texte autorisant plus largement le travail dominical pour les commerçants, validé jeudi 6 août, par le Conseil constitutionnel, entrera en vigueur dans les semaines à venir.
Une « bonne nouvelle pour l’économie », assure-t-on au ministère du travail. Dans un contexte de crise, les retombées attendues sur la croissance, via un rebond de la consommation, le surcroît de chiffre d’affaires des distributeurs, et des gains d’emplois sont une aubaine. Dans le détail, les bienfaits économique et social de la loi semblent plus ambigus.
Les nouvelles dispositions du texte maintiennent à cinq dimanches par an le nombre d’autorisations délivrées par les maires.
Zones touristiques Des dérogations seront accordées dans les « zones et communes d’intérêt touristique et thermal », sous réserve du respect d’un repos hebdomadaire et de compensations salariales négociées.
Zones commerciales d’agglomérations La loi institue également des « périmètres d’usage de consommation exceptionnelle » (PUCE) dans les zones commerciales d’agglomérations de plus d’un million d’habitants, à Paris, à Lille, ainsi que pour la conurbation Aix-Marseille.
Pour certains, à l’image de Claude Boulle, président de l’Union du grand commerce de centre-ville (UCV) qui regroupe les enseignes Printemps, Galeries Lafayette, BHV, Habitat…,« le texte aura un impact positif sur l’économie, la démonstration est imparable ». M. Boulle estime que le gain de chiffre d’affaires des commerçants dans une zone passante ou touristique se situerait entre 10 % et 20 %. En terme d’emplois, « les grands magasins duBoulevard Haussmann à Paris, les Galeries Lafayette et le Printemps, jugent qu’ouvrir le dimanche leur permettrait d’embaucher 500 personnes à temps plein. »
La plupart des magasins déjà autorisés à ouvrir le dimanche appuient cette démonstration. Le distributeur de meubles Ikea, dont les magasins sont ouverts le dimanche en Ile-de-France, réalise 20 % de son chiffre d’affaires ce jour-là. N’ouvrir que six jours sur sept reviendrait à mettre en péril « entre 600 et 700 emplois », indique le porte-parole.
Les magasins Conforama (meuble, décoration et électroménager) réalisent eux 23 % de leurs ventes le dimanche quand ils sont ouverts ce jour-là. Autrement dit, ouvrir les magasins un jour de plus incite à consommer plus.
« Pour les distributeurs cela permettra d’absorber certains coûts fixes grâce au chiffre d’affaires supplémentaire », ajoute Guillaume Dalibot, analyste spécialiste du secteur de la distribution chez Alken.
Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) est lui plus nuancé sur les répercussions positives de la loi. Une enquête réalisée fin 2008, révèle que 81 % des consommateurs qui projettent d’acheter le dimanche déclarent que cela ne les conduirait pas à augmenter leur dépense, « pour aucune catégorie de produits étudiés ».
« L’ouverture dominicale ne devrait donc avoir qu’un effet modéré sur le montant de la consommation commercialisable« , conclut l’organisme. Et sur le plan social le Credoc calcule qu’ouvrir des magasins le dimanche pourrait même détruire des emplois (de 6 800 à 16 200 dans le commerce alimentaire).
« L’aspect positif on n’y croit pas, juge aussi Claudette Montoya, délégué CGT chez Carrefour. Elle redoute que les salariés « travaillent plus et gagnent moins » et soient soumis à plus de pression.
Risque de hausse des prix
De fait, les bénéfices d’une ouverture le dimanche semblent circonscrits, réservés à certains types de commerce et à certaines zones. Pour les experts, inutile d’ouvrir le dimanche si les flux touristiques et de population ne sont pas suffisants. « La consommation le dimanche c’est une flânerie et concerne des achats que l’on fait en famille », indique l’un d’entre eux.
Ainsi dans le commerce alimentaire, ouvrir le dimanche, ne serait pas opportun. Le consommateur étalerait ses dépenses sans consommer plus. Si certaines enseignes ouvrent ce jour-là, au-delà de 13 heures comme elles y ont droit, la plupart n’étaient pas demandeuses d’une modification de la loi. Ces dernières sont d’ailleurs exclues du texte de loi.
« Le surcroît de chiffre d’affaires ne compenserait pas le surcoût salarial et les charges », expliqueMichel-Edouard Leclerc, patron de l’enseigne du même nom. Pour lui généraliser l’ouverture du dimanche, en pénalisant les marges des professionnels, pourrait conduire à une hausse des prix.
Le texte de loi autorisant plus largement les ouvertures dominicales est aussi réservé à certaines zones touristiques ou à certains quartiers de grandes villes. In fine, « ses effets restent difficiles à évaluer, admet Richard Mallié, député UMP auteur du texte, mais il s’agissait surtout de légaliser certaines ouvertures déjà effectives pour ne pas risquer de voir disparaître plus d’un millier d’emplois dans certaines zones comme à Plan-de-Campagne » (Bouches-du-Rhône).