Messages d’Yvan Lachaud
Je vous remercie pour votre message. Dès le début, je me suis opposé à la généralisation du travail dominical. Je comprends donc et partage votre opposition à cette proposition de loi.
D?abord, je veux préserver la vie familiale et les loisirs. C’est un fait que le temps disponible pour la famille et les loisirs s?est considérablement réduit ces dernières années, que nous avons assisté à un délitement du lien social, à une « démission » des parents, au développement de l’isolement et de l’individualisme au détriment de la solidarité. Le dimanche est un repère fondamental de notre vie familiale, un moment précieux pour préserver la vie de couple et assurer aux enfants une présence éducative et parentale indispensable. Je pense que l’on peut imaginer des moments plus privilégiés en famille, des loisirs plus épanouissants pour les enfants que les promenades dans les magasins de bricolage ou d?électroménager.
Le dimanche, c’est aussi un jour important pour les associations, qu?il s?agisse de tournois sportifs ou de rencontres culturelles. c’est également, ne l’oublions pas, un moment important pour les chrétiens, qui se réunissent en ce jour pour partager leur foi.
Le dimanche est porteur de valeurs collectives ; il doit être préservé. Ces valeurs n?ont pas de prix, et ne peuvent pas être mis en balance avec une hypothétique croissance de chiffre d?affaires. Préserver le dimanche chômé, c’est protéger la vie familiale, assurer aux enfants une vie plus saine et équilibrée, puisque le dimanche est souvent l’un des seuls jours où la famille peut se réunir.
Nous ne pouvons pas accepter que le dimanche soit entièrement consacré à la consommation : ce n?est pas le rôle de l’Etat que d?encourager le consumérisme, qui va toujours au détriment de la vie familiale et d?autres occupations, plus saines. Les six autres jours sont bien suffisants pour pouvoir effectuer ses achats, et les dérogations autorisées pour les périodes de soldes ou de fêtes de fin d?année constituent un complément suffisant. Sans compter qu?il n’y aurait plus de vie familiale pour les salariés qui devraient travailler le dimanche.
De plus, je veux protéger le petit commerce. La plupart des études qui ont été menées montrent que l’ouverture des magasins le dimanche favoriserait les grandes surfaces au détriment du petit commerce. En effet, l’ouverture des magasins le dimanche engendrerait des coûts importants (salaires, charges de fonctionnement), non assimilables par le commerce de proximité, d?où une situation plus favorable à la grande distribution. J?y vois un risque de fragiliser le petit commerce, acteur indispensable à la création d?emploi pérenne, au lien
social et à l’aménagement de nos territoires. Je me bats au quotidien pour préserver les commerces de centre-ville, leur identité : il est donc logique que, une nouvelle fois, je défende le commerce de proximité.
Je ne pense pas que les Français soient favorables à l’ouverture des magasins le dimanche ; c’est en tout cas la conclusion que je tire des nombreuses discussions que j?ai eues avec beaucoup d?entre vous depuis que le gouvernement a lancé cette idée. Les grandes enseignes ont induit des comportements en ouvrant le dimanche, auxquels les consommateurs se sont adaptés. Il est tout à fait possible de faire autrement ; si vous avez besoin d?une table, vous l’achèterez, que ce soit un dimanche ou un jour de la semaine. De plus, le pouvoir d?achat des consommateurs n?étant pas extensible, a fortiori dans un contexte de crise économique, il est évident que les achats du dimanche ne feront que se substituer aux achats en semaine ? déplaçant ainsi les parts de marché des centres-villes vers la périphérie. Pourquoi demander aux salariés de faire les frais d?une consommation qui peut s?exprimer autrement ? Je pense en particulier aux étudiants, dont on ne cesse de déplorer les taux d?échec : je refuse qu?ils deviennent des étudiants salariés du dimanche à temps partiel. Sans compter que ? ne soyons pas dupes ? le volontariat sera-t-il réellement respecté ? Quelle sera la véritable liberté d?un salarié, sans que sa décision n?ait d?impact sur sa carrière et son avancement ? La promotion sociale risquerait alors d?être freinée pour celles et ceux qui restera ient attachés à ces valeurs, bien légitimes, de la vie familiale et du lien social.
Qu?on me dise donc où est l’intérêt économique et social de l’ouverture dominicale : je ne le vois nulle part !
En tant que député, je me dois aussi d?avoir une vision globale de l’esprit de la loi : les réalités locales très variées doivent nous conduire à ne pas traiter ce sujet de la même manière en Ile-de-France, à Plan de Campagne et dans le Gard.
Par ailleurs, j?entends dire que la suppression du repos dominical serait une mesure moderne et libérale : c’est faux ! Défendre une disposition qui, en 1906, constitua une amélioration de la condition des travailleurs, serait-ce donc être conservateur ? Au contraire, on constate sur le long terme une diminution régulière et constante de la durée du travail, passée de 60 heures au XIXe siècle à 40 heures en 1936, 39 en 1981, enfin 35 en 1998.
Il faudrait plutôt se battre pour que les salariés ne soient pas contraints de travailler le dimanche pour arriver à joindre les deux bouts. Un emploi qualifié doit apporter un salaire permettant de vivre dignement, sans avoir besoin de renoncer au bénéfice de la journée de repos commune à la société.
Ainsi, je veux défendre une vision humaine, juste et équilibrée de la vie économique, du lien social et des valeurs familiales, en somme de ce qui nous fait vivre ensemble. c’est le rôle du politique de dépasser une simple vision économique de la vie de la Cité, en affichant un véritable choix de société : je considère que mes administrés ne sont pas de simples consommateurs, mais de véritables citoyens, acteurs à part entière de la vie de notre société.
Je vous prie de croire à l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Yvan LACHAUD
Député du Gard