Volontariat : les promesses non tenues de la loi

Libération, 01/07/09

Dans les «communes touristiques», les commerces pourront imposer à leurs salariés de travailler le dimanche, sans majoration de salaire et sans repos compensateur.

Outre la question des communes touristiques, la proposition de loi sur le travail dominical recèle d’autres «pépites» qui contredisent les discours du gouvernement : le volontariat sera loin de s’appliquer à tous, et la loi, si elle est votée en l’état, risque de ne pas clarifier les règles.

Une loi «basée sur le volontariat» ? Pas tant que ça…

Depuis le début, c’est le credo du gouvernement : ne travailleront le dimanche que ceux qui le souhaitent. C’est faux. En premier lieu parce que beaucoup de salariés du dimanche n’ont déjà pas le choix : les employés des fleuristes, des salles de cinéma, des sations-essence… pour eux, le travail du dimanche constitue «une dérogation de plein droit et découle des caractéristiques de l’activité même», comme le rappelle l’exposé des motifs de la proposition de loi Mallié.

Là où la loi ne va pas arranger les choses, c’est que les communes touristiques – qui sont donc élargies (lire ci-contre) – rentrent dans la même catégorie de ces «dérogations de plein droit». Conséquence : «Tout emploi est susceptible d’impliquer pour un salarié un travail le dimanche puisque cela découle de facteurs structurels», explique le texte. En clair : le volontariat n’est plus de mise, les majorations de salaire et les repos compensateurs non plus. La logique est purement économique : certaines communes touristiques (les stations de ski par exemple) avaient déjà le droit de ne pas payer double le dimanche. Pour la majorité, il n’était pas question de leur imposer désormais de le faire.

Au-delà des communes touristiques, la proposition de loi Mallié invente un nouveau type de zone, les Périmètres d’usage de consommation exceptionnel (Puce) – en gros Paris, Marseille et Lille – où le principe du volontariat serait bien respecté. Mais là encore, le diable se cache dans les détails. Et cette fois, même les salariés réunis dans la Confédération générale des salariés du dimanche (pro loi-Mallié) se plaignent. En effet, une phrase du texte précise qu’à «la demande du salarié, il peut être tenu compte de l’évolution de sa situation personnelle». Un salarié ayant précédemment donné son accord pour travailler le dimanche devra justifier de sa «situation personnelle» pour que l’entreprise «puisse» lui accorder le droit d’arrêter. Le droit au retrait ne serait donc pas automatique.

D’exception en dérogation, le risque de l’embrouille généralisée

«C’est tout le paradoxe de cette loi, explique Olivier Pardo, avocat d’Usine Center (qui lutte pour pouvoir ouvrir le dimanche) et défenseur de la Confédération générale des salariés du dimanche. Au lieu de réduire les dérogations, elle crée une exception de plus.» L’exception en question est baptisée du doux nom de Puce. Ces Puce (1) ne pourront être mis en place que dans les «unités urbaines» de plus d’un million d’habitants, et quand celles-ci seront «caractérisées par des circonstances locales particulières marquées par des usages de consommation de fin de semaine.» Cette tournure alambiquée est une manière de dire qu’elles ne concerneront (dans un premier temps) que les agglos de Paris, Aix-Marseille et Lille… «En effet, explique sans rire le texte, il n’existe pas d’usage de consommation le samedi et le dimanche dans l’agglomération lyonnaise.» Cette exception dans l’exception sert en réalité à détendre le député du Rhône Philippe Meunier, chef de file des UMP anti-travail du dimanche.

Les salariés des Puce seront a priori plus chanceux que ceux des communes touristiques : les entreprises pourront demander une autorisation d’ouverture au préfet si un accord a été préalablement signé avec les syndicats fixant les contreparties pour les salariés. «A défaut d’accord, un référendum sera organisé et les contreparties seront nécessairement un doublement de salaire et un repos compensateur.» Dans le cas des Puce, la loi insiste sur le droit au volontariat des salariés. «Elle crée une inégalité entre les salariés : ceux qui travaillent en commune touristique, ceux qui travaillent en Puce, analyse Olivier Pardot. Je ne suis pas sûr que cela résiste devant le Conseil constitutionnel… En attendant, en tant qu’avocat, je pense qu’elle va me permettre de beaucoup travailler.»

(1) Une agglomération sera définie comme Puce par le préfet sur proposition des conseils municipaux.

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