Alternatives économiques, 09/07/09
La nouvelle proposition de Richard Mallié se veut rassurante et plus équilibrée, mais le problème de fond demeure : elle renforce les inégalités entre salariés alors que son effet sur l’emploi, très limité voire nul, ne le justifie pas.
Présentée par le député UMP Richard Mallié, mercredi 8 juillet, la nouvelle proposition de loi sur l’ouverture des magasins le dimanche doit faire l’objet du vote à l’Assemblée le 15 juillet. C’est la deuxième tentative d’assouplir la réglementation actuelle : la première avait échoué en décembre dernier, face aux vives critiques de l’opposition et des syndicats, mais aussi à cause des désaccords au sein de la majorité présidentielle.
Il s’agit toujours d’étendre le champ des dérogations permanentes accordées dans les « communes touristiques ou thermales », ainsi que celui des dérogations temporaires, accordées par le préfet, dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants, autrement dit Paris, Aix-Marseille et Lille. La nouvelle version du texte précise certes que « seuls les salariés ayant explicitement donné leur accord à leur employeur peuvent travailler le dimanche », et ajoute que le refus de travailler ne peut pas être un motif de refus d’embauche – des garanties plutôt symboliques dans un contexte de chômage de masse.
Surtout, ces garanties ne s’appliquent pas aux communes déclarées« touristiques ou thermales », où le travail du dimanche est reconnu en droit comme un besoin permanent, donc sans aucune compensation particulière pour les salariés, ni en termes de rémunération supplémentaire ni en termes de jours de récupération. C’est déjà le cas dans le droit actuel, mais uniquement pendant les périodes d’activités touristiques et exclusivement dans les établissements « qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ». Or cette limitation est supprimée par la proposition… De plus, le gouvernement entend parallèlement étendre ces zones, et notamment faire de l’ensemble de Paris une « zone touristique ».
En matière de compensation salariale aussi, la situation est différente selon le type de dérogation. Dans les zones concernées par les dérogations administratives, accordées à durée limitée, le nouveau texte renvoie à un accord entre l’employeur et les délégués du personnel. Le doublement des salaires et le repos compensatoire pour les salariés concernés ne seront une obligation légale que lorsque le travail du dimanche sera mis en œuvre de façon unilatérale par l’employeur. Le texte s’inscrit ainsi dans la tendance qui veut donner un rôle accru au dialogue social au niveau des entreprises. Reste à savoir dans quelles conditions ces accords vont être négociés, à un moment où le rapport de force est particulièrement défavorable aux salariés, notamment dans des petites entreprises où ce dialogue social n’existe bien souvent pas.
Quoi qu’il en soit, la valeur du dialogue social n’est reconnue que dans le cas des dérogations administratives : aucun accord collectif n’est nécessaire dans les communes « touristiques ou thermales ».Ce qui crée sur le territoire une dualité de statuts et une forte inégalité entre salariés qui paraissent difficilement justifiables.
Quant au fond de l’affaire, les doutes restent les mêmes qu’en décembre dernier. Mesure phare voulue par Nicolas Sarkozy, qui en a fait un symbole de sa capacité d’aller « jusqu’au bout des réformes », l’ouverture généralisée des magasins le dimanche est justifiée au nom de la croissance et de l’emploi : il faudrait libérer l’économie, affirme-t-on, du poids d’une réglementation excessive. Pourtant, déjà en novembre dernier, une étude du Crédoc soulignait que la mesure ne pouvait avoir qu’une très faible efficacité économique : dans un contexte où le pouvoir d’achat des Français n’augmente pas, le plus probable est « que l’essentiel des ventes réalisées le dimanche corresponde au transfert de ventes initialement réalisées les autres jours de la semaine ». Avec un effet sur l’emploi quasiment nul. Alors que les effets négatifs pour la vie familiale, sociale, associative… d’une généralisation du travail du dimanche sont toujours une source d’inquiétude majeure pour tous ceux qui considèrent que la vie ne doit pas se résumer à consommer toujours plus et travailler toujours plus longtemps.
Wojtek Kalinowski