Sarkozy à sa majorité : «travailler le dimanche n’est pas un drame»

Libération, 08/07/09

L’Assemblée a commencé hier l’examen du texte sur le travail dominical. Le Président a recadré les députés UMP au déjeuner.

Après avoir nommé un Mitterrand ministre de la Culture, débauché Rocard pour une mission sur le grand emprunt, donné une interview à un hebdomadaire de gauche, et cosigné avec le président brésilien Lula une tribune dans Libération, Nicolas Sarkozy craignait-il des flottements dans les rangs de la droite ? Rien de tel qu’un repas de famille pour calmer les esprits.

Hier, les députés UMP étaient donc invités pour un «buffet déjeunatoire» à l’Elysée. Ils ont même eu le droit de poser des questions.

Par exemple sur le travail du dimanche, qui venait en débat le matin même à l’Assemblée nationale. Ne seraient-ils pas, comme les en accuse le président du groupe socialiste Jean-Marc Ayrault, en train de jouer avec le feu, avec la proposition de loi défendue par Richard Mallié (UMP, Bouches-du-Rhône), qui veut assouplir les règles autorisant le travail dominical dans les zones touristiques et certains centres commerciaux des grosses agglomérations ?

Pour rassurer les plus inquiets, Pierre Méhaignerie avait réuni, dès 9 heures du matin, la commission des Affaires sociales qu’il préside, et fait adopter un amendement de dernière minute précisant ce qu’était une «zone touristique». Jean-Marc Ayrault avait en effet semé le doute en rappelant que si l’on suivait le code du tourisme et non plus le code du travail, cela concernerait 6 000 communes et non pas 500. La commission a donc proposé que l’on parle de zones «d’affluence» touristique. Il ne suffira pas qu’une commune ait des attraits touristiques pour qu’elle puisse ouvrir ses magasins le dimanche, il faudra encore qu’elle attire des touristes.

Cette précision n’a pas empêché les députés de gauche de titiller leurs collègues de la majorité. Jean-Pierre Brard a même conseillé au très catholique Pierre Méhaignerie d’«aller se confesser» pour se faire pardonner «le pacte diabolique conclut avec Richard Mallié», qui va vider les églises à l’heure de la messe.

Marketing. En attendant, à midi et demi, c’est l’hémicycle qui s’est vidé du côté droit, les députés UMP ayant à traverser la Seine pour la pause déjeuner à l’Elysée. Fidèle à ses principes, l’ancien ministre François Goulard (UMP, Morbihan) a refusé de les suivre. «Le chef de l’Etat n’est pas le chef de la majorité, s’est-il justifié. Il peut inviter tous les députés, mais pas uniquement les parlementaires de son camp.»

13 heures. Nicolas Sarkozy accueille ses députés en professionnel du marketing. «Il faut gérer notre formation politique comme une marque», lance-t-il, pour rassurer et remobiliser ses troupes. L’ouverture ? «Elle ne fait pas gagner une voix, mais ça démobilise l’adversaire […] On a bouffé la crédibilité de la gauche.» Et le chef de l’Etat de se démarquer des ratés de son prédécesseur : «On l’a payé cher le gouvernement uniquement chiraquien !» Il rappelle aussi, à propos du soutien apporté par l’UMP à la gauche à la municipale d’Hénin-Beaumont pour battre le FN, que son prédécesseur n’a jamais pactisé avec l’extrême droite, et que «la gauche, au second tour de 2002, a respecté la même règle».

«Royalistes». Il faut, a expliqué le président de la République, poursuivre les réformes, car «si on recule, nos électeurs restent à la maison». «Les Français sont restés royalistes et régicides donc on continue», a-t-il ajouté. Et de justifier son interview au Nouvel Observateur par une pirouette : «Ça leur a fait une bonne vente, c’est très bien, il faut être généreux.»

Enfin on est en venu au travail du dimanche. «L’idée de faire ouvrir les commerces le dimanche dans une agglomération de plus d’un million d’habitants c’est quand même pas un drame ! s’est-il exclamé. Grâce à Jean-François [Copé, ndlr], Brice [Hortefeux, ndlr] et Darcos, on y arrive.» Avant de prévenir : «Ce sera la marque d’une famille politique qui assume ses convictions.» Et tout le monde a retraversé la Seine, pour regagner l’hémicycle, sous l’œil goguenard des députés socialistes et communistes. Après les questions d’actualité, ils ont repris la discussion sur le travail du dimanche. Qui devrait se poursuivre jusqu’à la fin de la semaine.

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