Quels sont les endroits concernés par le travail le dimanche et quelles contreparties sont prévues pour le salarié ? Challenges.fr a passé la proposition de loi Mallié au crible. L’occasion de se faire un avis (averti) sur le sujet.
IL faut reconnaître à Richard Mallié d’avoir de la suite dans les idées. Le député UMP s’est acquis une certaine notoriété cette année, en remettant à l’ordre du jour de l’Assemblée le dossier du travail dominical. Après trois tentatives en 2004, 2007 et 2008, il a récidivé le 19 mai dernier avec le dépôt d’un nouveau texte sur le sujet, qui doit être examiné mardi 7 juillet en session extraordinaire. L’intitulé: « Proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ». De quoi donner des gages, au moins à première vue, aux opposants au travail le dimanche.
Il faut dire qu’en décembre dernier, une cinquantaine de parlementaires avaient orchestré une véritable fronde contre le projet, au sein même de la majorité, provoquant le report sine die du texte. Depuis, oubliées les tribunes publiées dans Le Figaro ou Le Monde. Ces mêmes députés, Marc Le Fur, Jean-Frédéric Poisson ou Philippe Meunier, se sont ralliés à la proposition. Ce dernier confie à Challenges.fr qu’il a accepté de porter le texte à partir du moment où un accord a été passé avec Nicolas Sarkozy et qu’il n’a plus été question d’une « métropolisation » du travail du dimanche, c’est-à-dire de le généraliser à l’Hexagone. « Maintenant, je ne dis pas qu’il n’y aura pas des amendements à déposer pour améliorer encore la proposition de loi », reconnaît l’élu du Rhône.
Parmi les principaux arguments avancés en faveur du travail dominical, la conjoncture actuelle (« Il y a urgence car personne ne souhaite un été ponctué de fermetures de commerces et de licenciements portant sur plusieurs milliers d’emplois. Tout doit être fait en cette période de crise pour sauvegarder l’emploi »). Soit. Mais il n’empêche que l’impact économique de la future loi est encore incertain car difficilement quantifiable.
Le rapporteur invoque ensuite le fait que personne ne s’y retrouve entre incohérences flagrantes et multiples dérogations. Sur ce point, le raisonnement est imparable. Impossible, en effet, de nier que certaines enseignes ont pris le parti de mettre consommateurs et législateur devant le fait accompli, en ouvrant le dimanche même si elles n’y sont pas autorisées.
Maintenant, qu’est-ce qui va changer? L’ouverture dominicale concernera d’abord les zones touristiques et thermales. « Un magasin qui vend des lunettes de soleil peut ouvrir le dimanche car son activité est considérée comme ‘de loisir’ et si ce magasin vend des lunettes de vue, il ne peut pas, en droit, faire travailler des salariés le dimanche. » Désormais, le second magasin pourra ouvrir au même titre que le premier.
Sont également visés les périmètres d’usage de consommation exceptionnel ou PUCE dans les agglomérations de plus de 1 million d’habitants, à savoir Paris (Champs-Elysées, Grands Boulevards…), Aix-Marseille (Plan de campagne…) et Lille (en tant que zone frontalière)… mais pas Lyon. « En effet, il n’existe pas d’usage de consommation le samedi et le dimanche dans l’agglomération lyonnaise. » Les Lyonnais seront contents de l’apprendre!
La future législation ne sera pas non plus applicable à l’Alsace-Moselle, au statut si particulier. Ni aux grandes surfaces alimentaires: il s’agit ici de protéger le petit commerce, puisqu’un emploi créé dans la grande distribution, c’est trois de détruits pour celui-ci.
A noter que, dans le cas des PUCE, le salarié ne travaillera le dimanche que s’il est volontaire et percevra en contrepartie une rémunération équivalente au double de celle perçue en temps normal. Inutile de préciser que l’employé pourrait, malgré tout, être fortement incité à obtempérer. En revanche, ces dispositions ne s’appliquent pas dans les zones touristiques. Rien n’est non plus prévu pour ceux dont le travail le dimanche -déjà acté- découle de « facteurs structurels », à savoir dans les restaurants, hôpitaux, pompes à essence ou au cinéma… Ce qui risque de pérenniser un système à deux vitesses.
Alors, pour ou contre le travail dominical?
par Flore de Bodman, journaliste à Challenges.fr, vendredi 3 juillet 2009.