Y a-t-il vraiment urgence à travailler le dimanche ? Oui, apparemment, puisque le gouvernement ramène ce projet, dans sa quatrième version, devant les députés. C’est à croire que la France ne vit plus, ne peut plus vivre, sans travailler le dimanche, que le repos dominical tue le commerce, aussi sûrement que la retraite à soixante ans tue notre système de protection sociale.
Dans un cas comme dans l’autre, Nicolas Sarlozy veut aller vite. Réformer au galop. Pour démontrer une fois pour toutes qu’il a vaincu cette malédiction française qui rendait impossible, avant lui parait-il, toute réforme de fond dans notre pays. Faut-il pour autant, tout réformer, tout le temps, quel que soit le contexte ?
Il faut reconnaître que le problème est réel, puisque les exceptions au repos dominical consenties ici plutôt que là depuis des années, ont fini par multiplier les contentieux. Au départ, l’idée de Nicolas Sarkozy était donc simple autoriser purement et simplement les commerces à ouvrir le dimanche en tous temps et en tous lieux. Mais cela n’a pas marché. Pas vraiment parce que les Français sont rétifs à toute réforme, mais plutôt parce que la majorité qui soutient Nicolas Sarkozy tient elle-même au repos dominical. Au moins autant que la gauche mais pour des raisons différentes. Pris entre deux feux, d’un côté le droit aux bondieuseries, de l’autre le droit du travail, le gouvernement a dû reculer. Et amender son projet. Pour arriver à convaincre la majorité, on a essayé de minimiser la portée du texte. Il ne s’agit plus d’une généralisation, explique le député Maillé qui présente le projet, mais simplement d’un aménagement des possibilités d’ouverture offertes au commerce. Objectif : démontrer que le repos dominical reste la règle, tout en élargissant les exceptions à la dite règle. A la fin, de dérogations, en exceptions aux dérogations, cela donne un texte usine à gaz, soumis aujourd’hui à des députés perplexes.
A vouloir envisager et favoriser toutes les situations particulières, zones touristiques, zones frontalières, banlieues de Paris … le projet en est devenu inintelligible et très inégalitaire. Certains salariés du commerce travaillant le dimanche devront être payés double d’autres non. Cela dépendra du caractère touristique ou non de la zone où ils vivent. Et qui en décidera? Le préfet sur proposition du maire, dans certains cas, le préfet sur proposition du préfet dans la région parisienne. D’où les cris d’orfraie du maire de Paris, qui dénonce ce contournement du pouvoir des élus. Tandis que tous les syndicats dénoncent un contournement du droit du travail…
Une nouvelle manifestation des résistances françaises à l’esprit de réforme ? Pour une fois, on pourrait plutôt se demander si une réforme qu’on ne parvient pas a énoncer plus clairement, n’est pas tout simplement très mal conçue. Une réforme bien conçue doit pouvoir s’énoncer clairement.