Une salariée d’un établissement Ed d’Oyonnax, dans l’Ain, a été licenciée pour refus de travailler le dimanche.
Ce genre d’affaire risque-t-il de se multiplier, notamment dans les «zones touristiques» où des salariés vont tout à coup devoir accepter de travailler le dimanche sans rechigner ? Madame Fernandes travaillait depuis cinq ans au magasin Ed d’Oyonnax dans l’Ain (il s’appelle aujourd’hui Dia) «en caisse ou dans les rayons», explique-t-elle. En juin, elle a reçu, comme deux autres collègues du magasin, une lettre recommandée qui lui annonçait son licenciement. Motif : «Insubordination.» Madame Fernandes a «refusé d’effectuer à deux reprises les horaires pour lesquels [elle était] planifiée.» Entre les lignes : refus de travailler le dimanche.
Pendant cinq ans, Madame Fernandes, 45 ans, travaillait tous les samedis («parfois de 9 heures à 19 h 45, ce qui créait déjà des tensions avec mon mari») et se reposait le dimanche. Mais au mois de janvier, «ils nous ont convoqués un par un pour nous demander si on acceptait de travailler le dimanche. Payé 20 % de plus, c’est à dire pour moi 5,03 euros de prime [les commerces alimentaires n’ont pas à payer double, et n’auront toujours pas à le faire avec la nouvelle loi, ndlr]. Je leur ai dit que je ne pouvais pas. Ma vie de famille pour 5 euros ?»«On ne fait pas dans le social, ça se fera avec ou sans vous.»
Dérogation.«On est bien dans le respect de la législation et de la convention collective, rétorque-t-on chez Carrefour, à qui appartient Ed. Des systèmes de rotations ont même été organisés, visant à aménager au mieux le travail dominical.» En tant que commerce alimentaire, Ed bénéficie effectivement d’une dérogation pour ouvrir le dimanche matin. «Mais alors que l’ouverture des supermarchés le dimanche commence à s’étendre à Paris, elle est beaucoup plus rare en province, explique l’avocate des salariés, Inès Plantureux. Jamais les trois salariés dont je m’occupe n’avaient dû travailler le dimanche : le magasin était toujours fermé. Le débat qui s’est engagé nationalement depuis plusieurs mois a donné des idées aux employeurs qui se sentent le droit de faire ce qu’ils veulent…» Jusqu’à estimer que le refus de travail le dimanche mérite le licenciement.
Prud’hommes. En droit, la modification des horaires relève a priori du pouvoir de la direction. Mais aux prud’hommes, où les trois salariés vont déposer leur dossier, les juges peuvent estimer que cette modification a trop d’impact sur la vie personnelle pour que son refus puisse être sanctionné par un licenciement. Le dimanche, le collègue de madame Fernandes, licencié lui aussi, voyait son fils. Après leur séparation, son ex-femme et lui s’était mis d’accord : elle le gardait le samedi (il travaillait) et lui le dimanche. Madame Fernandes, elle, retrouvait son fils de 16 ans, en internat à 700 kilomètres de chez elle. «Sinon le travail le dimanche, je n’étais pas contre : du moment que ça permettait aux gens de se faire plus d’argent ou de faire travailler des étudiants…» Ed, lui, a préféré passer en force.