Lyon résiste au travail dominical

L’Humanité, 15/07/09

La troisième ville de France échappe à la généralisation du travail le dimanche grâce à la mobilisation des élus locaux et des commerçants.

Avec la proposition de loi UMP sur le travail du dimanche, les commerces des « grandes zones commerciales » pourront ouvrir ce jour-là. C’est le cas des agglomérations parisienne et marseillaise qui comptent plus d’un million d’habitants, Lille est également concernée. Bien que l’agglomération lyonnaise compte plus de deux millions d’habitants et que le Grand Lyon abrite plus de 15 000 commerces, le travail restera interdit le dimanche. La troisième ville française fait figure de résistante. Elle bénéficie en fait d’une précision du texte de loi qui stipule que la réglementation concerne uniquement les zones « caractérisées par des habitudes de consommation de fin de semaine », dont Lyon est exclue. Seuls les commerces du vieux Lyon, zone touristique, pourront ouvrir le dimanche. La mobilisation forte des élus locaux de tous bords a permis cette victoire.

Pour Jacques Descours, président de l’association des commerçants de la Croix-Rousse, la situation n’impose pas d’élargir la réglementation. « Aujourd’hui, explique-t-il, il est déjà possible de bénéficier de 5 ouvertures dominicales dérogatoires par an. À Lyon, les commerçants n’en demandent en moyenne que 3 par an. » L’argument fait dire à Gérard Collomb, maire socialiste de la ville, que « nous ne sommes pas inclus dans la liste parce que nous ne sommes pas demandeurs ». La droite n’est pas en reste. Philippe Meunier, député UMP de l’Est lyonnais, faisait partie des élus opposés aux précédents projets de loi. Il est à présent cosignataire du nouveau texte. Pour justifier ce revirement, il avance que Paris et Marseille ont besoin de cette loi afin de régulariser les nombreux commerces ouverts illégalement le dimanche. Par contre, « aujourd’hui à Lyon, aucune régularisation n’est nécessaire, puisque aucun magasin n’est ouvert le dimanche ». Pierre-Alain Muet, député PS de Lyon, lui reproche une opposition exclusivement « lyonno-lyonnaise », qui ignorerait les autres métropoles.

Pour certains, si les commerçants basés à Lyon refusent plus qu’ailleurs d’ouvrir le dimanche, c’est parce les Lyonnais se révèlent être moins consuméristes. La – gérante d’un magasin de décoration les estime « peu – dépensiers. Ils demandent constamment des remises. Les dirigeants de la chaîne dont (je) fais partie sont surpris. En effet, bien que Lyon soit la deuxième agglomération française, le chiffre d’affaires qui y est réalisé n’est pas plus important qu’ailleurs ». Selon elle, « si les magasins lyonnais étaient ouverts le dimanche, il n’y aurait pas un chat ». La tradition du marché est par contre bien implantée dans la ville. Une habitude qui, pour beaucoup, illustre le penchant des Lyonnais pour les activités familiales et de plein air. Le maire attribue ces comportements au cadre privilégié de sa ville. « À Lyon, la campagne est à 10 minutes du centre-ville. On a fait en sorte que les gens se retrouvent facilement dans un cadre naturel, et pas dans des supermarchés. »

La culture catholique, très ancrée au sein de la communauté lyonnaise, a également joué un rôle important dans cette bataille. Mgr Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, a été un défenseur actif du repos dominical. « Lyon est sûrement la ville où la tradition humaniste est la plus grande. Certaines personnes sont religieuses, d’autres sont athées. Elles célèbrent toutes les qualités humaines plus que la consommation », explique Jean-Louis Touraine, député socialiste.

Quant aux conséquences néfastes que pourrait avoir cette « exception lyonnaise » sur l’affluence des touristes, les élus ne sont pas inquiets. Amar Lagha, délégué syndical CGT commerce du Rhône, estime que le tourisme ne se résume pas « au lèche-vitrines et au shopping ». Satisfait que Lyon soit préservée d’une banalisation du travail du dimanche, le responsable syndical appelle à rester vigilant. « Rien n’est acquis. Les zones touristiques vont forcément s’étendre. Aujourd’hui, le vieux Lyon est concerné ; demain, Bellecour pourrait l’être… », s’inquiète-t-il, avant d’ajouter : « Je crains que, d’ici deux ans, Lyon ne soit touchée par la généralisation du travail dominical. On espère que les salariés se mobiliseront. »

Marion Lippmann

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