Le coût écologique du travail le dimanche

Planete Terra, 17/07/09

Les députés ont tranché. Si les sénateurs leur emboîtent le pas le 21 juillet, le travail du dimanche sera désormais légal et réglementé. Concernées ? Les zones touristiques ou thermales (quelque 500 d’après le gouvernement, dix fois plus selon l’opposition) et les périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) de Paris, Lille et Marseille. En bref, ces zones périurbaines où fleurissent hypermarchés et grandes surfaces en tout genre. La mesure risque d’avoir un coût. Et pas seulement pour notre porte-monnaie.

Pour le gouvernement pas de doute, la loi votée à l’Assemblée le 15 juillet est un progrès. Social d’abord. « Il y avait une demande des salariés pour régulariser leur situation (…) Et bien enfin, grâce à cette loi, ces salariés vont voir leur situation sécurisée, confiait le 15 juillet Luc Châtel, nouveau ministre de l’Education nationale qui s’exprimait au micro de France Info en tant que porte-parole du gouvernement. « La loi a prévu un certain nombre de garde-fous », a-t-il ajouté. Des garde-fous peu satisfaisants pour l’opposition de gauche. Certes, si la loi promet, en zone PUCE, de garantir aux employés un salaire doublé ce jour-là (si la convention collective existante est muette sur ce point, ce qui reste un cas minoritaire ndlr) et un repos compensateur, elle ne prévoit aucune compensation en zone touristique.

Du côté économique, le gouvernement promet plus d’emploi et une croissance relancée grâce à une réglementation moins rigide. « C’est une contribution, en période de crise, il est indispensable de saisir toutes les opportunités qui se présentent (…) Ce sont les petits ruisseaux qui font la grande rivière, la reprise de la croissance », a souligné de son côté Henri de Raincourt, le ministre chargé des relations avec le Parlement, cité par l’’agence de presse AP. Pourtant, en novembre dernier, une étude du Crédoc soulignait que la mesure ne pouvait avoir qu’une très faible efficacité économique : dans un contexte où le pouvoir d’achat des Français n’augmente pas, le plus probable est « que l’essentiel des ventes réalisées le dimanche corresponde au transfert de ventes initialement réalisées les autres jours de la semaine », soulignait l’étude.

Surconsommation d’énergie

Reste le coût environnemental d’une telle mesure. Car ouvrir des magasins le 7ème jour peut peser lourd sur l’ardoise de la planète.« C’est une loi à contre courant de la prise de conscience des limites de notre planète. (..) Les commerces ouvriront donc le dimanche pour toujours plus de consommation dont une partie inutile, toujours plus de déplacements motorisés producteurs de gaz à effets de serre mais toujours moins de vie familiale, culturelle et sociale », peste sur son blog Martine Billard, ex-députée Verts et nouvelle recrue du Front de Gauche. « Chauffer, éclairer, climatiser, transporter produits et consommateurs un jour de plus, est évidemment générateur de surconsommation d’énergie et producteur de CO2. Nulle évaluation de ces sujets n’a été produite. Des commerces d’ameublement ont cessé d’ouvrir le dimanche au vu des coûts générés », soulignait déjà le PS en décembre 2008 sur son site internet, dans un argumentaire adressé à ses militants.

Il est vrai que le commerce est un secteur plutôt gourmand en énergie. Prenons un hypermarché intégré dans une PUCE. Selon une étude signée EDF et Ademe en 2003, celui-là consomme 600 à 700 kwh par m2 et par an. Au registre de ses dépenses : la réfrigération alimentaire ou l’éclairage (30 à 35% respectivement) ou encore le chauffage et la climatisation (10 à 15%). Ainsi un hypermarché de 2 500 m2 consomme par an 1,625 Gwh en ouvrant 6 jours sur 7. S’il reste ouvert le dimanche (soit 52 jours de plus annuellement), le voilà qui affiche une consommation de 270 MWh de plus par an au compteur. En clair, chaque fois qu’il ouvre ses portes le septième jour, cet hyper pompe 5192 kwh d’électricité. Soit plus que la consommation d’un foyer moyen (un couple avec 2 enfants) sur une année entière, estimée à 4575 kW/h d’électricité selon EDF ! Et il y a quelques 1600 hypermarchés (surfaces de plus de 2500 m2) en France et 10 000 supermarchés (entre 400 et 2500 m2)… Même si tous ne sont pas concernés, bonjour la surconsommation électrique. Sans compter que plus d’électricité consommée c’est aussi plus de gaz à effet de serre relâchés dans l’atmosphère.

Plus de circulation

Pis, pour rejoindre la zone de l’hypermarché, les usagers viennent le plus souvent en voiture. Selon une étude réalisée en 2008 par l’économique Jean-Marie Beauvais, 51% des clients d’hypermarchés situés en zone dense et 66% en zone peu dense chargent leurs courses dans le coffre de leur véhicule. Et parcourent en moyenne 8,7 et 10,5 kilomètres respectivement. Certes, pour les commerces de proximité des zones touristiques et thermales, l’impact du transport risque d’être bien moindre. En revanche, la quantité d’énergie consommée au m2 est bien supérieure sur ces petites surfaces.

« C’est dommage qu’il n’y ait pas eu d’évaluation environnementale de cette décision-là, regrette Arnaud Gossement de France Nature Environnement. On peut estimer qu’une telle mesure pourra avoir des conséquences sur la consommation d’énergie ou sur la circulation aujourd’hui. Elle peut poser des questions logistiques aussi. Aujourd’hui, les poids lourds sont interdits de circulation le dimanche mais est-ce que ça restera ainsi ? Nous regrettons juste que la question n’ait pas été posée. »

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