L’état de grâce de la majorité, agrémenté de l’intermède versaillais du chef de l’Etat, aura duré à peine trois semaines. Avec l’ouverture de la session parlementaire extraordinaire, mercredi 1er juillet, et l’inscription à son ordre du jour de plusieurs textes dont l’examen avait été différé,« les emmerdes reviennent en escadrille », soupire un responsable du groupe UMP. Travail du dimanche, loi contre le piratage sur Internet, déficits publics et emprunt, réforme des collectivités territoriales, autant de sujets générateurs de tensions au menu de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La proposition de loi sur « le travail du diman… le repos dominical », comme Jean-François Copé, le président du groupe UMP de l’Assemblée, a du mal à l’appeler, doit venir en discussion au Palais-Bourbon à partir du 7 juillet. Jusqu’au 11 juillet, a prévu la conférence des présidents. Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste, a demandé un « temps exceptionnel » de discussion sur ce texte qui comporte un article unique, issu d’un compromis dans les rangs de la majorité. La première proposition de Richard Mallié (UMP, Bouches-du-Rhône), dont la discussion avait commencé en décembre 2008 devant un Hémicycle électrique, avait avorté, en dépit de l’insistance de Nicolas Sarkozy à ce que le dossier soit traité « sans délai » et « sans tabou ».
La nouvelle mouture est cosignée par ceux qui, à l’époque, faisaient figure à l’UMP d’opposants à l’extension du travail du dimanche : les noms de François Baroin, Marc Le Fur, Philippe Meunier, Jean-Frédéric Poisson ont été placés en tête de la liste de signataires afin d’offrir le visage d’une majorité apaisée et unie. Mais le texte soumis à la discussion maintient une ambiguïté de taille : « Les établissements de vente de détail situés dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel », indique-t-il. Dans ces communes, le travail du dimanche tout au long de l’année devient « de droit« . Le classement en commune touristique est accordé par le préfet, sur proposition du maire.
L’opposition n’a pas tardé à y voir une brèche majeure dans le droit du travail. M. Ayrault a adressé une lettre « à tous les députés » pour attirer leur attention. « Si la proposition de loi est votée, le travail sera de droit le dimanche dans ces communes sans aucune contrepartie pour les salariés. Pour eux, ni salaire double, ni repos compensateur obligatoire, ni nécessité d’être volontaire », écrit-il. Il est de nouveau intervenu, mardi, lors des questions au gouvernement. La réponse du nouveau ministre du travail, Xavier Darcos, n’a ni convaincu ni rassuré.
Selon le gouvernement, les communes touristiques au sens du code du travail ne sont aujourd’hui que de l’ordre de 500, « soit 1,4 % des 36 000 communes françaises ». Mais elles regroupent près de la moitié de la population. Le ministre du travail affirme que le volontariat sera la règle et le doublement des salaires assuré « pour tous les salariés qui accepteront de rendre ce service particulier ».
« On n’est pas sorti de l’auberge, se lamente Pierre Méhaignerie, le président (UMP) de la commission des affaires sociales. Faire croire que tous les salariés qui travailleront le dimanche seront payés double est une grosse bourde. » M. Copé, de son côté, a dénoncé le caractère« mensonger » des arguments du PS, l’accusant de « caricaturer » le texte. Toutefois, a-t-il fini par admettre, « si des choses doivent être précisées, elles le seront ». Sans doute méritaient-elles de l’être puisque, en fin d’après-midi, plusieurs députés de l’UMP rencontraient M. Darcos afin d’étudier de nouveaux amendements. « Il s’agit de bien sécuriser, de délimiter les zones touristiques concernées, pour rassurer tout le monde », a précisé Jean Leonetti, le vice-président du groupe.
Le porte-parole du PS, Benoît Hamon, a par ailleurs annoncé, mardi soir, que le bureau national avait décidé, « en lien avec le groupe », le dépôt d’une motion de censure contre la politique du gouvernement.
Patrick Roger