La Vie, 30/04/09 – Laurent Grzybowski
Nicolas Sarkozy émet une nouvelle proposition de loi sur le travail du dimanche. La polémique reprend.
Nicolas Sarkozy a ses marottes. Elles virent parfois à l’obsession. Une nouvelle proposition de loi sur le travail du dimanche sera déposée dans les prochaines semaines et débattue en juillet au Parlement. Son ministre du Travail l’a annoncé dimanche dernier. On croyait pourtant ce projet enterré après le fiasco de l’an dernier. Brice Hortefeux a jugé nécessaire qu’il soit possible de faire ses courses ce jour-là« dans tous les commerces de détail, dans les zones touristiques thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations », citant celles de Paris, Marseille et Lille. « Il faut permettre aux salariés qui le souhaitent, dans des zones bien définies, de pouvoir effectivement travailler volontairement. »
Annonce que les députés PS ont jugée« inadaptée et inopportune ». « Cette mesure ne répond pas à la lutte contre la baisse du pouvoir d’achat des ménages ! »,s’emporte Christian Eckert, l’un des chefs de file de l’opposition à ce projet, membre du collectif Yes week-end ! « Dans la période de crise économique que nous connaissons, c’est mettre le couteau sous la gorge aux salariés qui n’ont plus le choix. » « Nicolas Sarkozy est dans une logique de remboursement de sa dette à ses copains du Fouquet’s et de la grande distribution », affirme carrément le député vert Noël Mamère. Pour les députés communistes, « alors que 3 000 emplois sont supprimés chaque jour dans notre pays, il est ahurissant de voir le gouvernement se relancer dans une opération d’extension du travail du dimanche ».
Côté syndical, la condamnation est unanime. « Provocation pure et simple », pour la CGT, « hors sujet » dans le contexte de la crise, selon la CFDT, « acharnement thérapeutique », pour la CFTC, qui estime que le gouvernement veut « régulariser la délinquance » des patrons d’enseignes qui bravent les interdictions et des décisions de justice.
Pour le président de la République, l’affaire est devenue une question de principe. « Il y a une possibilité de libéralisation du travail le dimanche et je le ferai. C’est un problème politique, un marqueur », déclarait-il le 10 décembre devant les députés UMP à l’Élysée. Faisant fi de l’opposition de la gauche et du MoDem, des critiques du monde syndical et associatif, des réserves exprimées par les évêques et de la fronde naissante au sein de sa propre majorité, le chef de l’État a donc décidé de remettre le projet sur le tapis. Conscient du fait que la crise met à mal son antienne favorite,« Travailler plus pour gagner plus », il redoute qu’un recul soit interprété comme un signe d’immobilité. Le précédent texte avait été enterré après des discussions houleuses à l’Assemblée, en décembre dernier. Officiellement, à cause des milliers d’amendements (7 400) déposés par l’opposition. À cet égard, la programmation d’un débat parlementaire en juillet ne doit rien au hasard. La réforme en cours des règles de fonctionnement du Parlement devrait prochainement limiter le droit d’amen dements des députés.
La dernière mouture du texte controversé avait surtout été victime d’une trop faible mobilisation et de la contestation dans les rangs mêmes de la majorité. En novembre, une soixantaine de ses députés avaient publié une tribune dans Le Monde, intitulée Le travail du dimanche, une mauvaise idée.Parmi les irréductibles, Marc Le Fur, député UMP des Côtes-d’Armor. Mais, aujourd’hui, le ton est nettement plus nuancé. « Le gouvernement semble avoir tenu compte de nos remarques, juge le chef de file des frondeurs. Le texte, qui ne suggère plus que quelques exceptions dans certaines zones touristiques, a été en partie vidé de son contenu. Nous en tiendrons compte, mais nous resterons vigilants. »
Du côté des évêques de France, on attend de pied ferme l’invitation de Brice Hortefeux, qui a annoncé son intention de consulter les autorités religieuses. « Nous ne voyons pas très bien ce qu’il pourrait y avoir à négocier », s’étonne quand même le père Jacques Turck, directeur du service national de l’épiscopat famille et société.Notre opposition au travail dominical relève d’un choix de société, non d’un quelconque marchandage politicien. Doit-on encourager la consommation permanente ? Doit-on faire de la galerie marchande le lieu de rencontre dominical idéal ? Il nous semble qu’il y a d’autres urgences. »