L’Humanité, 28 avril 2009 – Max Staat
Le travail du dimanche de nouveau sur la sellette
Réforme . Le président de la République et son gouvernement ne lâchent pas prise et veulent, au coeur de l’été, faire voter une loi pour imposer le travail du dimanche.
Pas de repos présidentiel pour tenter d’imposer le travail du dimanche. Brice Hortefeux, ministre du Travail et spécialiste de la mise en oeuvre des mesures sarkozyennes les plus rétrogrades, a exprimé, dimanche sur Europe 1, sa volonté de « débloquer le dossier » sur le travail du dimanche. Il annonce qu’une nouvelle proposition de loi serait déposée par des députés de la majorité. Celle-ci serait débattue dès le mois de mai en commission parlementaire et passerait devant l’une des deux chambres, le Sénat ou l’Assemblée Nationale, en juillet. Comment justifier un tel acharnement politique que d’aucuns qualifient déjà de dogmatique ? Par trois fois déjà le Parlement a repoussé cette proposition qui généraliserait, à terme, le travail du dimanche.
Trois fois reporté
En novembre 2008, le gouvernement avait dû, une première fois, reporter l’examen du texte de loi devant la levée de boucliers du monde syndical, la mobilisation des députés communistes et socialistes mais aussi devant le mécontentement d’une partie des parlementaires de droite, comme en témoigne la tribune publiée dans le Monde du 26 novembre où 60 députés UMP, Nouveau Centre et Mouvement pour la France protestaient contre l’extension du travail du dimanche. Deuxième tentative qui tourne court avant les vacances de Noël obligeant le premier ministre, François Fillon, à annoncer le report des débats en janvier 2008. Mais le 6 janvier l’examen du texte est reporté sine die. Dernière tentative avortée, début avril, quand des parlementaires tentent, via un amendement centriste sur le tourisme, de faire passer cette idée. Pourtant, aujourd’hui, alors que les mobilisations populaires s’annoncent importantes pour l’emploi, le pouvoir d’achat, les services publics… Brice Hortefeux remet ça, de manière provocatrice. Comme pour signifier au monde du travail : « Quoi qu’il en soit, nous continuons. » Il martèle, pour justifier sa démarche, qu’il « faut permettre aux salariés qui le souhaitent, dans des zones bien définies, de pouvoir travailler volontairement ». Et revoici le déjà bien usé « travailler plus pour gagner plus » qui vise à occulter la question de l’augmentation des salaires. Question taboue pour la droite et le MEDEF, mais fortement mise en avant par le mouvement social. Les réactions ne se sont pas fait attendre.
Emplois en moins
Ainsi, pour le député communiste Roland Muzeau, « il est ahurissant de relancer ce projet alors que 3 000 emplois sont supprimés chaque jour ». Le socialiste Christian Eckert dénonce une« mesure qui ne répond pas à la lutte pour le pouvoir d’achat », ajoutant : « Elle ne crée ni richesse ni emplois. » Au plan social, les cinq fédérations syndicales du commerce (CGT, CFTC, CFDT, SUD et CFE-CGC) avaient, début avril, dénoncé la création « artificielle » de « zones touristiques » pour banaliser le travail du dimanche. Bernard Thibaud, secrétaire général de la CGT, pour qui « l’été parlementaire risque d’être mis à profit pour des projets antisociaux », l’ouverture du dimanche « bénéficiera avant tout aux grandes surfaces et sera, au final, détérioratrice d’emplois ». Ce que confirme la Confédération des petites et moyennes entreprises qui « sera extrêmement vigilante pour éviter une généralisation du travail dominical qui fragiliserait le commerce de proximité ». Pour François Cherèque (CFDT), « économiquement il n’y a aucune étude qui prouve que le travail du dimanche amènera des emplois et aidera l’économie en France », et d’ajouter : « Je pense que les salariés qui sont en train de perdre leur emploi vont être bien surpris que ce soit ça là la priorité du gouvernement. » De son côté, Joseph Thouvenel (CFTC) s’étonne : « Y a-t-il urgence dans un contexte de crise économique à affaiblir le lien social et l’emploi ? » Réponse, pour partie, avec les défilés du 1er Mai.