Travail dominical : le retour
France Info – Chronique Emmanuel Kessler – 27/04/09
Travail dominical : le retour. Le ministre du Travail, Brice Hortefeux, l’a annoncé hier : il veut faire adopter cet été par le Parlement une nouvelle proposition de loi facilitant le travail du dimanche. On croyait pourtant le dossier enterré. Pourquoi le gouvernement revient-il à la charge ?
La messe du commerce dominical n’est pas dite. En décembre, le gouvernement avait interrompu l’examen du texte pour cause de fronde parlementaire – guerre d’amendements à gauche, mais aussi grogne à droite. S’il remet cette réforme à l’ordre du jour, il faut d’abord y voir une intention symbolique. La crise a brouillé pistes. Alors il s’agit de montrer que malgré elle, les réformes continuent. On arrive aussi au deuxième anniversaire de l’élection de Nicolas Sarkozy. Les bilans vont fleurir. Le chef de l’Etat s’est fait élire sur un engagement de rupture, de réformes qui bousculent des règles du jeu économiques et sociales établies depuis longtemps. Son socle électoral, à droite, exprime des doutes sur l’ampleur réelle de ce qui a été menée : on se demande aujourd’hui par exemple si, compte tenu des concessions faites aux syndicats, une réforme emblématique comme celle des régimes spéciaux de retraite ne coûte pas plus cher qu’elle ne va rapporter. Il y a donc là une piqure de rappel du sarkozysme façon 2007. On est plus dans la politique que dans l’économie.
Oui mais dans la période actuelle, est-ce que faciliter l’ouverture des magasins le dimanche ne va tout de même pas créer de l’activité et de l’emploi ?
Une étude du Credoc, le Centre d’étude sur la consommation, vient de monter que les Français, s’ils sont plutôt favorables dans le principe à une plus grande souplesse pour faciliter leur vie quotidienne, n’en ressentent absolument pas l’urgence. Comme consommateurs ils sont plutôt pour ; comme salariés, ils sont majoritairement contre. En tout cas, il n’y pas d’aspiration profonde pour une telle réforme. Ensuite, l’effet économique serait très limité. Ce que qui serait consommé le dimanche, ce serait surtout un report d’achats qui n’auraient pas été faits en semaine. Enfin, il pourrait y avoir à terme 15 000 emplois de plus dans des commerces non alimentaires, centres commerciaux par exemple, mais autant de supprimés dans le petit commerce si tous les hypermarchés décidaient d’ouvrir le dimanche. Bref : un jeu à somme nulle*. Seules les zones touristiques, où il y a des incohérences et des rigidités, sortiraient gagnantes. C’est finalement sur elles que devrait se concentrer une réforme dont l’affichage risque fort d’être plus ambitieux que la réalité.**
* NDLR : M Kessler a retenu un scénario favorable de l’étude du CREDOC. Un autre scénario, moins favorable, table sur une perte nette d’emplois (destructions d’emplois dans le commerce traditionnel, au profit de la grande distribution).
** NDLR : les zones touristiques ne sont pas demandeuses d’une telle réforme. Les zones demandeuses sont pour le moment Plan de Campagne, la Défense, le centre Usine Center de Villacoublay, certaines grandes enseignes du Val d’Oise, toutes zones où les touristes japonais, que ce soit le dimanche ou les autres jours, sont assez peu nombreux ! La seule zone véritablement touristique demandeuse est l’avenue des Champs Elysées, à Paris, encore que le dossier soit assez troublé par les actions de lobbying intensif des magasins Vuitton. Pour cette dernière zone, il n’est toutefois pas besoin d’une loi spéciale.