Les éditions Tempora nous signalent qu’elles viennent de publier un petit livre de Michel Fauquier sur le travail du dimanche.
Introduction de l’ouvrage sur le lien lire la suite.
Michel FAUQUIER
Lettre ouverte
du dernier des chrétiens
au premier des Français
à propos de l’ouverture
des magasins le dimanche
Monsieur le Président,
Le Titre II de la Constitution de la Ve République vous confère la responsabilité suprême de la nation, et à ce titre, fait de vous le premier des Français. Pour ma part, la Règle de vie que je me suis fixée, me commande de me « dire des lèvres inférieur à tous et le plus misérable »1, ce qui me constitue le dernier des chrétiens : l’exercice n’est pas facile et la lettre ouverte que je vous adresse ce jour n’entend pas faire fi de cette Règle en m’attribuant une importance et une autorité que je n’ai pas.
Si je suis chrétien, je n’exerce en effet aucune responsabilité particulière dans l’Église catholique dont je ne suis qu’un fils, ce qui est pour moi le plus grand des honneurs, comme l’est celui d’être Français. Au mieux peut-on dire que j’ai reçu de cette Église une mission, celle d’instruire les jeunes gens que les parents confient à cette fin aux institutions catholiques dans lesquelles j’enseigne. Mais, ce n’est pas au nom de cette petite mission que je m’adresse à vous, sinon que, par certains aspects, ce que je veux vous dire concerne mes étudiants et la qualité de la vie que notre société leur prépare.
J’ai le plus grand respect pour la fonction que vous exercez et que l’Église, depuis son origine, considère comme une des plus hautes, quelle que soit la forme qu’elle a pu prendre durant la longue histoire de notre pays. Le poids des responsabilités que vous exercez impose le respect, du fait même que vous acceptez de le porter. Toutefois, le régime dans le cadre duquel vous exercez votre fonction suppose que chaque citoyen se sente coresponsable de la nation et de ses intérêts, les plus petits comme les plus grands. C’est à ce premier titre que je m’adresse à vous, mais c’est aussi à celui que je suis catholique et que j’ai pris au sérieux votre appel : « la France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient […] elle a besoin de catholiques pleinement chrétiens, et de chrétiens pleinement actifs. C’est pourquoi elle a besoin du témoignage de ceux qui, portés par une espérance qui les dépasse, se remettent en route chaque matin pour construire un monde plus juste et plus généreux. ». Vous avez ajouté plus tard, qu’il est « légitime pour la démocratie et respectueux de la laïcité de dialoguer avec les religions. Celles-ci, et notamment la religion chrétienne avec laquelle nous partageons une longue histoire, sont des patrimoines vivants de réflexion et de pensée, pas seulement sur Dieu, mais aussi sur l’homme, sur la société, et même sur cette préoccupation aujourd’hui centrale qu’est la nature et la défense de l’environnement. Ce serait une folie de nous en priver, tout simplement une faute contre la culture et contre la pensée. »
Pour cela, vous voudrez bien permettre au dernier des chrétiens que je suis, d’adresser ces quelques lignes au premier des Français que vous êtes, alors que l’on vous entend dire – ainsi que partout autour de vous –, que le repos dominical serait devenu désuet et peut-être même néfaste en ces temps où une crise économique d’ampleur insoupçonnable frappe l’ensemble des économies mondiales et impose des solutions d’urgence. Au petit point d’observation qui est le mien il me semble au contraire que le repos sabbatique devenu dominical est moderne et bienfaisant et que si l’origine du décret qui l’affirme est divin2, celui-ci entre en écho avec un des besoins parmi les plus profondément ancrés dans le coeur de tout homme, ce qui constitue une illustration des propos que vous teniez à sa Sainteté le Pape Benoît XVI, lesquels rappellent que la parole portée par les religions (et en particulier la catholique), a une portée qui dépasse largement le groupe de ceux qui se reconnaissent en elles et sert les intérêts de toute l’humanité.
Je ne suis pas l’Église, bien évidemment, et je ne suis même pas mandaté par elle et ne le revendique pas, étant seulement attentif à ses enseignements que je reçois dans un esprit filial, comme c’est le cas à propos du repos dominical et de son sens3. Je ne dispose pas non plus de la forêt de conseillers, techniciens et personnels qui vous entourent et vous assistent dans votre mission, et ne peut prétendre avoir une compétence en quoi que ce soit comparable à la somme des compétences de toutes ces personnes réunies qui ne manquent certainement pas d’arguments.
Mais, comme un de vos prédécesseurs, « je crois aux forces de l’esprit »4, et je suis persuadé qu’un homme seul, aussi négligeable soit-il, peut, à certains moments, porter une parole plus déterminante qu’un
groupe nombreux et infiniment plus éminent que lui, ne serait-ce que parce qu’il dispose d’une liberté de parole que les représentants de grandes institutions ou les hauts serviteurs de l’État n’ont peut-être pas au même degré, dépendant d’un pouvoir soumis au verdict changeant des urnes. Pour ma part je n’ai pas d’attaches politiques et je parle avec une liberté d’autant plus grande que j’appartiens à une catégorie qui ne sera en rien touchée par la banalisation du dimanche et qui pourrait même y trouver son intérêt matériel en voyant le reste de la société se mettre à son service. Pourtant, je crois que cette vision, en plus d’être cynique, est à très courte vue, alors que la crise économique que nous vivons menace de dégénérer en crise tout court : c’est ce que je voudrais démontrer ici, si vous voulez bien prendre la peine de me lire dans le cadre d’un emploi du temps que j’imagine très surchargé.
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