Où le préfet de la Moselle, théoriquement gardien de l’application des lois, prend un arrêté « dans le sens du vent »… |
Saisi en référé par la CFDT, le tribunal administratif de Strasbourg a suspendu, mercredi 31 décembre 2008, l’arrêté du préfet de la Moselle qui autorisait exceptionnellement les commerces de détail à ouvrir leurs portes les deux premiers dimanches des soldes.
Ceux-ci ayant été avancés au vendredi 2 janvier, dans ce département frontalier soumis à la concurrence du Luxembourg tout proche, les magasins se préparaient à accueillir la clientèle les dimanches 4 et 11 janvier.
La préfecture avait fait droit à la demande de dérogation de la chambre de commerce et d’industrie de la Moselle, considérant que cette ouverture dominicale constituait, « en ce début d’année 2009, une nécessité économique générale répondant aux intérêts de l’ensemble des acteurs économiques du département, dont ceux de la population ».
C’était sans compter le droit local, hérité de l’annexion allemande et applicable en Alsace et en Moselle, régions où, plus encore qu’ailleurs, le repos du dimanche est considéré comme sacré. Dans son ordonnance de suspension, qui revient de fait à empêcher la dérogation de produire ses effets, vu les délais de recours, le président du tribunal administratif de Strasbourg a considéré que l’autorisation du préfet ne répondait pas aux critères énoncés par le code du travail, en particulier les articles L3134-4 et L3134-7 applicables dans les seuls départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
« Pour pouvoir ouvrir certains dimanches, les commerçants de nos régions doivent invoquer des circonstances locales particulières ou prétendre répondre aux besoins journaliers de la population, une boulangerie ou un magasin de souvenirs installé dans une zone touristique, par exemple », explique Me Angel Cossalter, qui a plaidé le recours au nom de la CFDT.
« Or, a ffirme l’avocat, le tribunal a considéré en l’espèce que les soldes ne constituaient ni une circonstance locale ni une réponse à un besoin journalier d’une population déterminée, mais que l’ouverture dominicale contestée n’avait d’autre but que de soutenir l’activité des commerces, dans une conjoncture de particulière morosité. Juridiquement, cette décision est d’une logique implacable. Pris dans une certaine précipitation, l’arrêté du préfet de Moselle était en totale contradiction avec le droit local, particulièrement restrictif en la matière. »
Dans un contexte normal, cette décision serait sans doute passée inaperçue dans la « France de l’intérieur », où le droit local est parfois considéré comme une source de droit désuète et exotique. Le débat actuel sur le travail dominical lui donne une tout autre résonance. Dans ces régions farouchement attachées au repos du septième jour, l’ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg sonne comme une mise en garde : pas question, ici, d’y déroger.
Nicolas Bastuck
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Pas de soldes dimanche en Moselle
Le tribunal administratif de Strasbourg a suspendu l’arrêté préfectoral qui autorisait l’ouverture des commerces en Moselle les dimanches 4 et 11 janvier. La requête avait été déposée par la CFDT qui a mis en avant le droit local sur le repos dominical. La préfecture de Moselle avait elle invoqué « la nécessité de la relance économique » alors que le département est l’un des trois en France où les soldes ont débuté dès vendredi, soit en même temps qu’en Belgique et au Luxembourg, les pays voisins.
Les commerçants de Moselle avaient pris quelques jours d’avance. Mais ils ne pourront pas pousser leur avantage dimanche en ouvrant leurs portes exceptionnellement pour les soldes qui ont débuté là vendredi, comme en Meurthe-et-Moselle et dans la Meuse, alors qu’ils ne commenceront que mercredi prochain dans le reste de la France. C’est la justice qui a en fait refusé cette ouverture dominicale.
Le tribunal administratif de Strasbourg a ainsi suspendu l’arrêté préfectoral qui autorisait l’ouverture des commerces en Moselle les dimanches 4 et 11 janvier. La préfecture de Moselle avait invoqué « la conjoncture actuelle » et « la nécessité de la relance économique » pour ouvrir alors les commerces. Dans son jugement, la juridiction administrative a donné droit à la CFDT qui avait elle mis en avant le droit local qui s’applique en Alsace-Moselle.
Ce droit, hérité du code local allemand des professions de 1900, érige en principe le repos dominical dans l’industrie, le commerce et l’artisanat. Il s’agit d’une « victoire pour le droit local », a estimé la CFDT.
« Il y avait déjà eu des ouvertures exceptionnelles les trois dimanches précédents Noël, c’était suffisant », a jugé Stéphane Simon, le responsable juridique de la CFDT Moselle. « L’ouverture le dimanche doit rester exceptionnelle », a renchéri Dominique Marchal, la secrétaire générale du syndicat, qui dénonce au passage un manque de concertation avec les syndicats. « On prend le prétexte de la crise économique pour ouvrir les commerces (le dimanche), mais les gens ont-ils vraiment plus d’argent à dépenser ? », s’est-elle interrogée.