Le Monde, 6/1/09
Report ou recul? Quand, en fin de matinée, mardi 6 janvier, Nicolas Sarkozy, en tournée diplomatique au Proche-Orient, prend connaissance de la dépêche de l’AFP annonçant le report « sine die » de l’examen du texte sur le travail du dimanche, il entre dans une froide fureur.« Ça veut dire quoi, “sine die”? », demande-t-il à ses collaborateurs. Ces derniers s’empressent de faire savoir au secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, que le chef de l’Etat n’a en aucune façon l’intention de renoncer à ce texte. A charge pour M. Karoutchi de rectifier le tir et de « trouver un jour pour le dimanche ».
Le secrétaire d’Etat n’avait rien fait d’autre que de communiquer un peu plus tôt à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale un ordre du jour, portant jusqu’au 22janvier, dans lequel ne figurait pas ce texte dont il avait précédemment annoncé qu’il serait discuté dans la « troisième semaine de janvier ». La mine sombre, le voilà bon pour faire la tournée des micros afin d’expliquer qu’il s’agit simplement d’« un retard mécanique ». Emporté par sa mauvaise humeur, il va jusqu’à qualifier la dépêche de l’AFP de « débile ».
De son côté, le président du groupe UMP, Jean-François Copé, s’efforce également de justifier ce report, assurant que c’est « un problème de timing ».
Simple contretemps, donc? Oui, si l’on considère que le projet n’est pas abandonné. Mais les difficultés, elles subsistent. Le premier ministre, François Fillon, n’en finit pas de dire que cette proposition sur l’extension de l’ouverture des commerces le dimanche ne fait vraiment pas partie de ses priorités. Ses priorités, il les a fixées lui-même à son secrétaire d’Etat : la loi organique organisant le travail législatif, l’hôpital et le logement. M.Karoutchi n’a fait que s’y tenir.
Dans la majorité elle-même, le travail du dimanche n’est pas ressenti comme prioritaire. Certains députés de l’UMP voient dans ce report « le début de la sagesse ». M.Copé lui-même a indiqué qu’il comptait s’en entretenir avec le chef de l’Etat dès son retour du Proche-Orient, alors que celui-ci devait recevoir mercredi midi les parlementaires à l’Elysée.
« On se trouve face à un risque de blocage », explique M. Copé, pour qui « on ne peut pas se payer ce luxe ». « Il n’y a plus de problèmes chez nous », assure-t-il, tout en reconnaissant qu’« il y a des gens qui ne sont pas enthousiastes et qui continueront à ne pas le voter ». Aussi, afin de ne pas froisser le président de la République, recommande-t-il « une chose simple »: attendre que la modification du règlement de l’Assemblée nationale, limitant la durée des discussions, ait été achevée pour inscrire de nouveau le texte à l’ordre du jour. Un recul tactique, par conséquent, qui risque de ne pas satisfaire ceux qui, en tout état de cause, restent déterminés à faire barrage à cette proposition. Patrick Roger