Le Dimanche transcende les Français
par Thiébault Dromard (Challenges), 3/12/08
FAUT pas rêver. Nous n’arriverons jamais en France à obtenir un consensus autour du travail du dimanche. La question fait partie de ces débats de société dont les français raffolent comme l’école, les OGM, l’Europe… Tous les ingrédients sont réunis pour que le sujet s’envenime. Tout le monde à un avis sur le sujet. Et voilà qu’on retrouve certains vieux clivages de notre société. Les villes contre les campagnes, les cathos contre les anticléricaux, le petit commerce contre la grande distribution ou encore la droite contre la gauche. Quoique, la question est tellement transcendante que les divisions s’opèrent aussi à l’intérieur de chacun des camps de l’hémicycle.
Du coup, la discussion sur la proposition de loi en faveur de l’extension du travail dominical s’apparente à une véritable foire à tout. Il suffit de crier un peu fort, d’avoir de bons relais parlementaires pour se faire entendre. Résultat, le texte en discussion à l’Assemblée nationale dès le 11 décembre n’est plus la défense de l’intérêt général mais l’addition d’intérêts particuliers. Extraits: pour rassurer les députés UMP de circonscription rurale la loi ne va porter que sur les zones touristiques et les villes de plus d’un million d’habitants, Paris, Lyon, Marseille et Lille. Le principe de territorialité: la loi s’applique en tout lieux du territoire est déjà mis entre parenthèse. Des élus lyonnais cherchent même à exclure leur ville du champ d’application du texte. On trouvera bien une argutie juridique pour la capitale des Gaules. Pour défendre le petit commerce qui craint pour ses emplois (à raison selon une étude du Crédoc), on a trouvé la parade: les grandes surfaces alimentaires resteront fermées le dimanche après-midi. Pour tempérer les ardeurs d’une partie de la droite conservatrice attachée à la défense des valeurs familiales, le gouvernement a voulu inscrire la notion de volontariat. Mais pour ne pas fâcher le puissant lobby de la distribution inquiet sur la préservation de ses marges, le paiement double du dimanche travaillé n’est toujours pas inscrit noir sur blanc dans le texte.
Pour tenir compte de tous ces avis contradictoires, le texte ne va pas arrêter de slalomer entre les intérêts des uns et des autres. Au final, les dispositions de cette loi viendront s’ajouter aux 180 dérogations actuellement en vigueur au texte fondateur de 1906. Nous n’avions donc pas besoin d’une nouvelle loi.
Thiébault Dromard est journaliste à Challenges.