Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, reçu par Nicolas Sarkozy |
Le Premier ministre espère que la trêve des confiseurs suffira à calmer les esprits échauffés par la réforme du travail dominical. Mais le « compromis » trouvé laisse de marbre les syndicats. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, demande son retrait pur et simple.
François Fillon a-t-il raison de reporter en janvier le débat sur le travail dominical?
Jean-Claude Mailly. Le gouvernement serait sage s’il renonçait purement et simplement à cette réforme. Depuis que le débat est né, tous les arguments développés et toutes les études montrent que ce n’est pas nécessaire. Ce n’est ni une réponse économique et encore moins une réponse sociale ou sociétale.
Même au sein de la majorité, cela crée des tensions. C’est un débat de caractère idéologique. Pour FO, cette détermination du gouvernement relève de l’obstination: je l’ai dit, je vais le faire ! Si le débat a bien lieu, comme le dit le Premier Ministre, ce sera une revendication de plus qui figurera dans la mobilisation du 29 janvier. Nous demanderons dans la rue l’abandon de ce projet, car il vise à étendre le travail du dimanche.
Le chef de l’Etat a pourtant revu ce projet à la baisse …
II y a encore énormément d’ambiguïtés dans ce texte. C’est une nouvelle usine à gaz. Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services, c’est beaucoup plus large que le commerce par exemple. La notion de zone commerciale, d’usage de consommation exceptionnel, qu’est-ce que cela veut dire ? On risque de se retrouver dans des situations encore plus ubuesques qu’aujourd’hui. Le mieux serait de laisser tomber. II y a d’autres urgences que de travailler sur ces questions-là. Le chômage, le pouvoir d’achat, la relance économique, voilà les priorités.
Et les milliers d’emplois qui risquent d’être détruits?
Faux. Toutes les études montrent que ça ne créera pas d’emplois supplémentaires. Ce projet répond à une logique de déréglementation au moment où le président de la République est en train d’expliquer qu’il faut au contraire plus de réglementation. C’est inacceptable.
Propos recueillis par Catherine Gasté- Peclers
Voir aussi : l’analyse de la situation par Le Parisien, 19/12 sur le lien Lire la suite
Le projet sur le travail dominical attendra 2009
Le gouvernement a finalement capitulé : après deux heures de discussion houleuse, il a reporté au 15 janvier le débat sur le travail dominical. La gauche se réjouit, le chef de l’Etat est furieux … et l’UMP soulagée.
Peut-on imaginer réforme plus mal engagée ? L’affaire du travail dominical, promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, est en train de tourner au fiasco législatif. La proposition de loi sur les « dérogations au travail dominical », vivement contestée au sein même de l’UMP et du coup largement vidée de sa substance, est finalement – après plusieurs reports – arrivée mercredi, à 21 h 30, dans l’hémicycle.
La tension, alors, est palpable, et l’ambiance électrique : les libéraux de l’UMP, parce que le texte ne permet plus aux maires d’autoriser l’ouverture des commerces que huit dimanches par an, estiment qu’il ne va pas assez loin. Les sociaux, eux, sont inquiets parce que la nouvelle rédaction de la loi permet aux préfets d’autoriser les ouvertures de commerces dans les « zones touristiques» sans avis obligatoire du maire. La gauche, enfin, crie au scandale face à une proposition de loi qui, à ses yeux, « légalise les infractions » et ouvre une brèche dans le sacro-saint principe du repos dominical.
La fureur de Sarkozy
Les propos de Luc Chatel, secrétaire d’Etat à la Consommation, sur les « salariées divorcées » qui « préfèrent travailler le dimanche pour confier leurs enfants au père » ce jour-là, font hurler les quelques femmes présentes. Au bout de deux heures de débats, et prenant prétexte de l’état de surexcitation du député communiste Maxime Gremetz, Jean-François Copé, patron du groupe UMP, demande que la séance soit levée, estimant que « les conditions du débat sont impossibles ». En réalité, c’est la crainte d’être mise en minorité par une motion de procédure qui fait reculer la majorité. Car la gauche est fortement mobilisée, et la droite … éparpillée. « Il ne faut quand même pas nous demander de voler au secours de la victoire, affirme ainsi Philippe Gosselin (UMP), l’un des sociaux, que les députés très favorables au travaille dimanche se mobilisent! »
Tard dans la soirée, Copé et Fillon s’entretiennent au téléphone. Et conviennent qu’il vaut mieux remettre les débats au 15 janvier, le temps que « les esprits se calment », plutôt que de poursuivre ce jeudi. Ce qu’annonce le Premier ministre hier matin sur Europe 1. Mais à l’Elysée, au cours du petit déjeuner de la majorité, Sarkozy, furieux, demande que l’UMP batte le rappel des troupes. Las ! Ce comptage des troupes et une prise de pouls de l’opposition convainquent le chef de l’Etat qu’il vaut mieux reporter les débats. L’opposition sème « la pagaille » à l’Assemblée pour « le seul plaisir d’empêcher les réformes », grince le président, au cours d’un déplacement dans les Vosges. Le patron des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, se réjouit: « Ce report est une défaite de Sarkozy : avant Noël, il n’aura pas son cadeau. »
Nathalie Segaunes