Jean Claude Mailly écrit à Nicolas Sarkozy

FO nous transmet le courrier écrit par son Sécrétaire Général à notre Président.

 

Monsieur Nicolas SARKOZY

Président de la République Française

Palais de l’Elysée

75008  PARIS

 

N.réf : JCM.MAMA.MCD/214-08 Paris, le 26 novembre 2008

Objet : Repos dominical

Monsieur le Président de la République,

Vous serez amené, très prochainement, à décider de nouvelles extensions des dérogations au repos dominical dont les conséquences impacteront considérablement :

    * L’équilibre social et la vie familiale

D’après le sondage BVA des 10 et 11 octobre 2008, 81 % des salariés  veulent  préserver le dimanche comme jour de repos commun, consacré à la vie personnelle, familiale ou associative.

En effet, quelle vie privée, quelle vie de famille lorsque l’un des parents travaille le samedi, l’autre le dimanche et ont des jours de repos hebdomadaires différents, alors que notre société souffre justement d’une déstructuration des liens familiaux ?

Qui, d’autre part, gardera les enfants des salariés en activité le dimanche ?

Il y a là une contradiction avec la volonté affichée du gouvernement de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Quelles activités associatives, culturelles ou sportives pour les salariés travaillant le dimanche ?

    * La vie économique dans les collectivités territoriales

Il ressort que 72 % des salariés n’iraient pas davantage dans les commerces s’ils étaient ouverts 7 jours sur 7 (Sondage BVA des 10 et 11 octobre 2008).

Les consommateurs, qui sont en grande majorité des salariés, ne pourront bénéficier de l’ouverture dominicale s’ils doivent eux-mêmes travailler.

Or, la proposition de loi soutenue par le gouvernement souhaite instituer non seulement l’ouverture permanente des commerces, mais également celle des établissements mettant à disposition des services.

Le travail dominical ne sera donc plus exceptionnel, puisque pourraient être concernés des services au public des crèches, (avec les augmentations d’impôts locaux corrélatives), l’ensemble des transports, les banques, les assurances, les fournisseurs, les informaticiens, les agents d’entretien, de livraison.

L’extension de l’ouverture dominicale n’augmentera en rien le pouvoir d’achat des ménages et conduira simplement à reporter certaines dépenses d’un jour sur un autre, sauf à considérer que les ménages dépensent davantage à budget constant, ce qui risque de les pousser vers le surendettement qui constitue d’ores et déjà un fléau en France.

Cette mesure conduira également à la disparition des petits commerces et à une moindre diversité de l’offre dans les magasins.

Les commerces de proximité ne pourront, en effet, rivaliser avec les grands magasins concernant l’amplitude d’ouverture ou l’implantation dans les zones touristiques ou d’attractivité commerciale exceptionnelle où les prix vont grimper, ce qui conduira fatalement à de nombreuses faillites et à la disparition des emplois corrélatifs.

Un autre effet négatif est de réduire la concurrence, à la défense de laquelle le gouvernement se déclare pourtant si attaché !

    * L’environnement et le développement durable

L’extension de l’ouverture dominicale se traduira non pas par une baisse mais par une hausse des prix.

Compte tenu des études nord-américaines qui font état d’une hausse de 4% des prix liée à l’ouverture dominicale, il est évident que les dépenses d’énergie pour le chauffage et l’éclairage des magasins le dimanche et le transport des consommateurs vers les lieux de vente pèseront sur la facture finale que ceux-ci devront payer. Au moment où le Grenelle de l’environnement vise à limiter les gaz à effet de serre, on ne peut que regretter des mesures qui auront pour conséquence directe de les accroître.

    * La liberté et les conditions de travail des salariés

68 % des salariés déclarent ne pas vouloir travailler régulièrement le dimanche (Sondage BVA des 10 et 11 octobre 2008).

Prétendre garantir le volontariat des salariés consiste à méconnaître les réalités du monde du travail.

Un droit de refus des salariés garantit-il l’absence de discrimination dans l’évolution de carrière, l’obtention d’augmentations de salaire ou l’attribution de formations ?

Le marché du travail ou la notion d’offre raisonnable d’emploi permettent-ils réellement à un salarié de refuser, à l’embauche, un contrat de travail prévoyant le travail du dimanche ?

De plus, le travail dominical ne sera  pas nécessairement payé double puisque la proposition de loi compte renvoyer à l’accord d’entreprise le soin de fixer la majoration de salaire sans aucun encadrement. Le dimanche serait, en outre, de moins en moins bien rémunéré, puisque la généralisation du travail le dimanche conduirait à en faire un jour comme les autres et aboutirait à une absence de paiement majoré à terme.

Par ailleurs, le travail du dimanche conduit à la précarité (CDD, Intérim, surcharge de travail due à l’augmentation des amplitudes de travail.). Il deviendra le contrat imposé par les employeurs aux salariés étudiants et aux salariés à temps partiel subi. Or, ce sont de véritables emplois qu’il convient de proposer à l’ensemble des salariés.

Le travail du dimanche se heurte ainsi à de nombreuses politiques que le gouvernement prétend vouloir mener : conciliation entre vie professionnelle et vie privée, Grenelle de l’environnement, lutte contre la concurrence déloyale, lutte contre le stress et la pénibilité au travail.

En l’absence d’effets positifs pour le commerce, est-il impératif de porter un tel coup à ce qui constitue encore l’un des fondements de la cohésion sociale et familiale de notre société : l’existence d’un moment de repos commun régulier et qui n’est destiné qu’à soi ?

Force Ouvrière appelle au respect du dialogue social ayant abouti à des accords plus favorables, que cette proposition de loi conduira à remettre en cause, à la préservation du repos dominical et au strict respect de la législation actuelle qui autorise déjà de nombreuses dérogations.

Certains que vous saurez prendre en considération ces éléments, pour le bien des salariés comme de notre environnement,

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de notre sincère considération.

Jean-Claude MAILLY
Secrétaire Général

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