Une loi contre la démocratie des valeurs
Sed Contra, le quotidien des chercheurs de sens, 16/12/08
{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}a démocratie des votes est souvent illusoire. Celle des valeurs partagées depuis des siècles l’est certainement moins. L’offensive gouvernementale pour déstructurer, banaliser et vénaliser le dimanche en fournit une remarquable illustration. “Dans la semaine, il y a six jours pour avoir et un jour pour être”, écrit joliment un député de la majorité, Hervé Mariton. Mais il est loin d’être seul à s’insurger. Toutes les familles d’esprit ont fait valoir, par-delà même la variété de leurs arguments, une conviction commune sur la vertu de ce jour “pas comme les autres” mais qui donne son sens aux autres précisément parce qu’il échappe à l’activisme économique des “gagnants” ou aux contraintes ordinaires de la simple survie. Florilège.
Des songages manipulés :
“Comme pour le Lundi de Pentecôte, l’offensive contre le repos du dimanche a été lancée avec des arguments falsifiés : le sondage Ipsos produit par le député Lellouche avait été tout simplement financé par Usine Center, tandis que le sondage – à nouveau Ipsos – produit par Richard Mallié inversait tout bonnement les résultats, par la manière de poser les questions… La République devient le champ clos où s’affrontent les lobbies et groupes de pression souterrains, qui n’ont rien à voir avec la démocratie.“ (Collectif des Amis du Dimanche, 20-09-2006.)
Une rupture du contrat social :
“Toute société a besoin de normes sociales claires. Le repos dominical fait partie de notre contrat social. Ne pas travailler le dimanche doit rester la norme, il faut oser l’affirmer clairement. La semaine doit conserver un rythme, les familles ont besoin de se retrouver. En s’en remettant au choix individuel, on brouille un repère essentiel, le respect du septième jour.” (Hervé Mariton, député UMP de la Drôme, Le Parisien, 18-11-2008.)
Une dévaluation du temps libre :
“Un autre argument mérite d’être soulevé. Il ne repose ni sur le point de vue des salariés, ni sur celui des employeurs, mais sur celui de chacun en tant qu’individu. Il s’agit du lien entre la valeur que l’on accorde à son temps libre et sa concomitance avec le temps libre de ses proches. C’est indéniable : la valeur de son repos croît lorsqu’il coïncide avec le repos de ses proches. Typiquement, il n’est pas intéressant de prendre ses vacances, lorsque son épouse travaille. Si c’est pour passer ses vacances seul, autant travailler ! Dans ce cas, le temps libre a peu de valeur.” (Site d’Alain Lambert, ancien ministre du budget, 14-12-2008.)
Un mirage économique :
“Au nom de quel miracle économique l’ouverture des commerces le dimanche offrirait-elle aux Français un pouvoir d’achat supérieur qui leur permettrait de consommer la semaine et ce jour supplémentaire ? Le pouvoir d’achat n’est pas extensible, et il faut bien être conscient que ce que dépenseront les Français, le dimanche, ne le sera plus la semaine. Au détriment bien sûr, du commerce de proximité et des centres villes. Ce dernier serait évidemment le grand perdant de cette libéralisation du travail dominical, dans la mesure où il n’est pas en situation de concurrence égale avec les grands centres commerciaux, qui eux, ont les moyens humains et logistiques pour assurer cette activité supplémentaire.” (Bernard Reynes, député UMP des Bouches du Rhône, lettre ouverte à Nicolas Sarkozy, 17/11/2008.)
Un vandalisme générateur d’injustice sociale :
”C’est une forme de vandalisme social que de vouloir casser le repos dominical : celui-ci, collectif, est structurant socialement, tant pour la famille que la vie citoyenne, les loisirs, la vie associative, culturelle, sportive, etc. (…) Ce seront des femmes pauvres et précaires qui finiront par travailler le dimanche. En aucun cas il ne s’agira de “volontaires”. On nous raconte des craques : le “volontariat” n’existe pas en droit du travail : seul le patron décide, jamais le salarié qui est subordonné.” (Gérard Filoche, Inspecteur du Travail, Siné Hebdo n°7, 8-12-2008.)
“Ce sont principalement les salariés aux revenus modestes qui vont être amenés à travailler le dimanche. Quant au chantage à l’emploi qui pourrait être exercé par certains employeurs, il sera impossible à contrôler. Ce n’est donc pas une liberté supplémentaire pour le salarié, loin de là.” (Lettre de Marie-Françoise Clergeau, député de Loire Alantique, 5-12-2008.)
Une offensive contre “l’horizon de sens” qui structure la société :
Il nous semble que le rôle du législateur n’est pas de suivre passivement les comportements individuels, mais d’avoir le courage de donner un horizon de sens pour le “vivre ensemble” qui structure la société. Dans cet horizon de sens, qui va bien au-delà de certaines revendications confessionnelles, que faites-vous de la nécessité pour chacun de disposer d’un jour pour passer du temps en famille, pour nouer des relations sociales et amicales, pour se cultiver, faire du sport, etc. ? (Lettre ouverte de six curés des Hauts-de-Seine à Patrick Devedjian, 4-12-2008.)
Un enjeu de civilisation :
“Ne nous y trompons pas, il y a dans cette affaire un enjeu de civilisation. Dans l’échelle de nos valeurs, il faut choisir celle que l’on place le plus haut : la liberté du travail ou celle de l’homme. Banaliser le travail du dimanche, c’est prendre le risque de fragiliser un peu plus la vie sociale en général et la famille en particulier. C’est faire un pas de plus vers la “marchandisation” absolue de notre société. Un comble à l’heure où tout le monde dénonce les excès d’un capitalisme sans limites !” (Guillaume Roquette, Valeurs Actuelles, 11/12/2008.)
Une logique qui rend fou :
“Il n’est pas cohérent de réclamer d’un côté une réforme vigoureuse pour « moraliser la finance », dénoncer « golden parachutes » et rémunérations excessives, et de vouloir par ailleurs relativiser le repos hebdomadaire, simplement pour gagner plus. Depuis vingt siècles, l’Evangile dénonce cette logique sournoise et implacable : l’argent rend fou.(…) Benoît XVI a expliqué cela plusieurs fois : « Il est indispensable que l’homme ne se laisse pas asservir par le travail, qu’il n’en fasse pas une idole, prétendant trouver en lui le sens ultime de sa vie. C’est dans le jour consacré à Dieu que l’homme comprend le sens de son existence ainsi que de son travail. » Le précepte du repos hebdomadaire protège la vie des familles et sert la dignité et la liberté de chacun. Il donne un espace pour la prière, la détente et la gratuité, pour la joie toute simple de retrouver les siens.” (Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, Le Monde, 2-12-2008.)
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du Collectif des Amis du Dimanche : https://www.travail-dimanche.com
Nous vous invitons également à signer la pétition du Collectif, accessible sur ce lien.