CGC et CGT écrivent un courrier commun à N Sarkozy

Nous reproduisons ci-dessous le courrier commun CFE-CGC / CGT que nous transmet Madame Chay.

Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint Honoré
75008 PARIS

 

Montreuil le 27 Novembre 2008

 

Monsieur le Président de la République,

Différentes annonces faites par le gouvernement, différents propos tenus par vous-même nous conduisent à penser que le dépôt d’une proposition ou d’un projet de loi devant le Parlement afin de modifier les conditions d’emploi des salariés dans le commerce le dimanche est imminent.

Ces mêmes déclarations montrent que la volonté du gouvernement va dans le sens d’une libéralisation des ouvertures des magasins, au motif de relancer la croissance économique et de respecter la volonté des salariés et des consommateurs.

Vous connaissez sans doute notre position, maintes fois réaffirmée, corroborée par différentes études et commune à différentes organisations syndicales de salariés, d’employeurs ou encore à des associations de consommateurs :

L’ouverture des magasins le dimanche serait sans effet sur la croissance : un surcroît de consommation ne peut provenir que de l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés. Or, selon les derniers chiffres de l’INSEE, celui-ci régresse. Les salariés « volontaires » pour travailler le dimanche sont surtout volontaires pour être payés double !

Cette ouverture ne créerait pas d’emplois : elle ne ferait, au mieux qu’opérer des déplacements d’emplois stables en CDI vers des emplois précaires. Selon une étude qui émane du CREDOC, 15 à 35000 emplois pourraient être perdus dans le petit commerce de ce fait. Selon la Confédération des commerçants de France, un emploi créé en hypermarché équivaut à quatre emplois perdus dans les commerces où les consommateurs ne se servent pas eux-mêmes.

Surtout, la libéralisation des ouvertures dominicales de magasins entraînerait avec elle de nombreuses professions : nettoyage, gardiennage, transports, crèches, banques, organismes financiers, services postaux… Nous assisterions alors à la disparition du dimanche comme jour de repos commun à l’ensemble de la société, avec les nombreuses implications que cela ne manquerait d’avoir, en matière de lien social, de vie familiale, voire même de sécurité !

Plus particulièrement, vous vous êtes, à plusieurs reprises, étonné de la situation qui, selon vous, prévaudrait sur l’avenue des Champs-Elysées à Paris, où, dites-vous, les magasins seraient ouverts sur un trottoir et fermés sur l’autre, situation qui, à elle-seule, justifierait un changement des textes dans un sens plus libéral.

Permettez-nous, tout d’abord, de relever-là une inexactitude : les magasins ne sont pas ouverts en fonction du trottoir mais de leur activité. Cela, en raison d’une règle instaurée par Edouard Balladur, alors Premier ministre, lorsqu’en 1993, il a créé une loi sur mesure pour permettre au magasin Virgin des Champs-Elysées d’ouvrir le dimanche. Cette loi, en inventant les « zones touristiques d’affluence exceptionnelle » et en faisant la liste des activités susceptibles d’autoriser l’ouverture tous les dimanches, en remettant la décision finale dans les mains des préfets, a créé cette situation que vous voulez décrire comme « ubuesque ».

Les exceptions au repos dominical qui existent aujourd’hui, même si elles sont parfois contestables (les magasins d’ameublement), permettent encore de maintenir un équilibre.

Si l’exception devenait la règle, c’est l’ensemble de la société française qui s’en trouverait déséquilibrée dans la gestion de ses temps sociaux.

Le volontariat, la liberté de choix que le gouvernement ressasse dans tous les médias, ne justifient pas un tel chamboulement. N’est-ce pas l’intérêt général et non la somme d’intérêts particuliers qui doit régir les choix dans une démocratie ?

Or, il apparaît bien que les seuls véritables bénéficiaires du changement prévu en matière de repos dominical soient les grands groupes de distribution : cela leur permettra de gagner sur les petits et moyens commerçants les parts de marché qui leur échappent depuis des décennies, du fait de la protection du commerce de centre ville.

Cette cause là ne nous semble pas suffisante, ni légitime : c’est l’avis des salariés que nous représentons, que nous souhaiterions confronter avec les représentants de la Nation, mais aussi de ceux des consommateurs, des familles, de la société civile en général, dans le cadre d’un grand débat national, qui, à notre sens, doit précéder une éventuelle modification de la législation.

Michèle CHAY
Cgt Commerce et Services, 263 Rue de Paris – Case 425, 93514 MONTREUIL CEDEX

Jacques BIANCOTTO
CFE – CGC Commerce, 59 Rue du Rocher – 75008 PARIS

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