Décidément, les arguments des partisans du travail dominical se suivent et ne se ressemblent qu’en une seule chose, ils font appel aux peurs des Français plutôt qu’à la raison et à la réalité.
Maintenant que les effets économiques prétendus positifs de l’ouverture des magasins le dimanche ont été largement battus en brèche, notamment par la dernière étude du CREDOC qui rejoint l’OFCE, revoici de nouveaux arguments pour tenter de convaincre ceux qui sont conscients des impacts néfastes de cette mesure au niveau social, sociétal, économique, écologique et du point de vue des inégalités et de la précarité.
Après avoir autrefois avancé pêle-mêle : la création de milliers d’emplois (avant la crise financière), l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés (avant l’amendement Debré sur l’ameublement qui n’a accordé aucune contrepartie), le travailler plus pour gagner plus (alors que l’on annonce une destruction des emplois).
Les parlementaires de la majorité ont compris sur l’insistance des partenaires sociaux, des salariés, des petits commerçants, de leurs administrés, qu’il s’agira au contraire de la destruction des emplois dans le petit commerce et dans les centre villes, d’une d’augmentation des prix pour payer les salariés du dimanche que les autres français ne pourront pas assumer, d’effets économiques délétères sur le secteur non marchand, de facteurs d’inégalités entre les territoires, d’un impact écologique allant à l’encontre du Grenelle de l’environnement.
Les notions même de « volontariat » et de « liberté » se sont effacées devant la réalité des choix laissés aux salariés. Chacun a constaté qu’ils sont mis en concurrence avec les étudiants, que les chômeurs qui doivent désormais accepter une offre raisonnable d’emploi devra accepter cette précarité, pour ne pas risquer de perdre ses allocations, que leur refus aura des répercussions sur leur évolution, que les offres d’emploi font déjà du travail du dimanche un critère de recrutement.
Les « amicales pressions » du gouvernement sur les parlementaires courageux de l’UMP et leurs effets sont d’ailleurs à l’image de ce que les salariés ont, à leur tour, à craindre de leur employeur. Vont-ils être « rassurés » à leur tour par des garanties qui n’en sont pas.
Chacun a désormais pris conscience que le volontariat inscrit dans la Loi n’est pas une garantie.
Personne n’a les moyens de l’assurer face à des enseignes qui préfèrent payer des millions d’euros plutôt que de la respecter, d’autres qui refusent l’offre de restitution qui leur est faite lorsqu’il s’agirait pourtant d’en faire profiter les salariés qu’elle prétendait défendre.
Ces arguments ne peuvent donc plus être utilisés. Aussitôt abandonnés, ils sont remplacés. La communication marche alors à fond. Ils sont repris partout, s’affichent sur nos écrans, sans être vérifiés.
Il s’agirait donc désormais, pour Monsieur Bertrand, de permettre par la Loi de légaliser la situation des 7 millions de travailleurs du dimanche et d’éviter des milliers de suppression d’emplois…
Ces deux arguments sont pourtant autant d’erreurs que les précédents.
Rappelons que le Code du Travail prévoit déjà le travail du dimanche dans les secteurs nécessaires à la vie en société le dimanche (transports publics, sécurité, soins, services d’urgence de tous types). Il s’agit là du contingent principal des 7 millions d’emplois visés par ceux qui prétendent légaliser une situation déjà légale…
Enlevons encore de ce nombre ceux qui travaillent dans le cadre des dérogations municipales ou préfectorales qui ont été visiblement comptabilisés à leur tour, c’est-à-dire dans le respect du cadre légal actuel en ce qui concerne les souplesses déjà possibles.
Combien en reste t-il et de qui s’agit-il ? Les salariés des commerces, essentiellement des grandes chaines de distribution, celles qui ont violé la Loi.
Il s’agit là essentiellement de la grande distribution non alimentaire, les commerces alimentaires pouvant déjà ouvrir jusque 12 et bientôt 13 heures.
Chacun voit de quels magasins il s’agit ; peut être moins quels sont les groupes à qui ils appartiennent et qui possèdent déjà les sites de vente en ligne et à distance qui permettent la consommation 7 jours sur 7.
Le nombre d’emplois concerné par le retour à l’application de la Loi est totalement inconnu. Personne, pas même les services de Monsieur Bertrand, n’ont jamais pu avancer un chiffre réel. Il faut dire que les enseignes ne se sont jamais empressées de communiquer sur de tels chiffres pour ne pas risquer de se voir poursuivies au pénal, risquant 7.500 Euros d’amende par salarié et par dimanche.
Il est en outre difficile de démêler le vrai du faux dans leurs déclarations, de comptabiliser les temps partiels et les temps plein, certains salariés ne travaillant que le dimanche d’autres toute la semaine. Ce n’est qu’une fois fermées que les enseignes avancent des chiffres invérifiables.
Mais là où l’erreur est énorme, c’est d’indiquer que les enseignes concernées vont pouvoir licencier les salariés du dimanche.
J’ai déjà eu l’occasion d’écrire qu’il est juridiquement impossible à une des sociétés concernées de licencier son personnel en prenant comme motif la réduction de son personnel qui serait lié à la violation de la loi par ses soins (surtout en parfaite connaissance de cause) du repos dominical des salariés. Même en déguisant ce motif sous couvert d’une perte prétendue de chiffre d’affaires pour tenter de justifier un licenciement économique, le juge pourra facilement constater qu’elle est liée à la fermeture du dimanche pour annuler les plans sociaux et empêcher les licenciements.
La loi n’est pas une garantie suffisante pour les salariés concernés devant lesquels le Gouvernement se plait à agiter un chiffon rouge.
La preuve en a pourtant été faite par les enseignes qui ont déjà fermé le dimanche. Il n’y a eu aucun licenciement lié à ces fermetures… Incroyable. Pas vraiment. Surtout, elles n’ont pas eu d’autre choix.
Par contre, cette communication gouvernementale a eu des effets pervers.
La volonté du gouvernement et du Président de la République qui préfèrent en passer par un député, pour ne pas ouvrir un dialogue avec les syndicats, n’a fait qu’inciter les zones commerciales qui s’ouvrent à violer davantage le repos dominical.
Thiais Village restera dans les mémoires parce que ministres et parlementaires, élus et représentants de la République, ont été y soutenir ceux qui en violent les Lois. Etrange paradoxe face à un Président de ladite République qui a, hier, devant les Maires de France, pourfendu les élus qui préfèrent se placer au dessus des lois de la République…
Viennent en effet de s’ajouter à la liste un autre centre commercial à Cormeilles en Parisis (95) ouvert au mois de juin dernier qui fait sa publicité sur l’ouverture du dimanche, qui a obtenu l’aide de son Maire qui n’a pas hésité à prendre un arrêté apportant une dérogation permanente à une enseigne du bricolage.
Un autre vient d’ouvrir à Aubergenville en novembre et déjà les enseignes annoncent leur ouverture dominicale…
Chacun notera ici avec quel empressement les pouvoirs publics se préoccupent de leur rappeler les lois de la République.
Pour avancer sur une énième proposition Mallié et rassurer la majorité, il est déso
rmais question d’exclure certaines des villes citées (Lyon et Lille), ou bien d’exclure le commerce à prédominance alimentaire pour ne pas détruire les commerces de bouche des centre-villes.
Encore une promesse qui ne peut être tenue au regard des lois qui obligent .
Il faut rappeler que le Préfet du Val d’Oise a accordé aux enseignes du bricolage et de l’électro-ménager des dérogations au motif que l’ameublement leur fait de la concurrence.
Demain, reprenant ce même argument, il sera obligé d’accorder des dérogations aux enseignes qui vendront aussi des produits non alimentaire. C’est la jurisprudence du Conseil d’Etat qui fait prévaloir les règles européennes de la concurrence sur le repos dominical.
Il est encore question d’accorder des exonérations de charges sociales pour soutenir les commerces de centre-ville. Ce sont donc les contribuables qui vont payer pour permettre aux grandes enseignes d’ouvrir… certainement une bonne idée en ces temps de crise pour ceux qui vont déjà supporter la charge des augmentations des prix pour payer les prochains salariés du dimanche.
Au fait, qu’en est-il dans cette proposition des salariés de l’ameublement ?
Pour eux, toujours pas de majoration, toujours pas de volontariat, toujours aucune garantie, toujours sur la France entière ? Où sont les promesses de revoir leur situation ?
Et pour ceux qui travaillent légalement le dimanche sans majoration, toujours pas de doublement de leur salaire ? Leur dimanche vaudrait donc moins que celui des salariés du commerce. Nul doute qu’ils vont apprécier cette inégalité.
Si le gouvernement est en panne d’imagination, qu’il aille voir l’accord passé en Corrèze dans le secteur de l’ameublement entre les partenaires sociaux.
Madame la sénatrice Debré se souviendra sans doute qu’elle s’était inspirée du précédent accord, même si ces erreurs de compréhension et celles de Monsieur Chatel quant à la portée du texte ont fait les dégâts considérables que l’on sait en faisant voter une Loi qui n’offrait pas ce qui était pourtant garanti aux salariés concernés.
Même si ce n’est pas un accord élargi, il y a heureusement des gens un peu plus conscients des réalités du terrain… Pour remédier à la Loi, quand elle a été aussi mal préparée, heureusement que les syndicats sont encore là.
Qu’en sera-t-il demain, lorsque les représentants de la République les auront autant dénigrés alors qu’ils font simplement respecter les Lois de la République ?