Bernard Reynes, député UMP des Bouches du Rhône, écrit à Nicolas Sarkozy : « L’ouverture des commerces le dimanche, ce ne serait vraiment pas raisonnable. »
Vous trouverez ci-après le courrier que vient d’adresser le Député Bernard Reynès au Président de la République et au gouvernement.
Bravo M Reynes !
Monsieur Nicolas SARKOZY, Président de la République, a demandé aux parlementaires de se saisir « maintenant » et « sans tabou » de la proposition de loi préparée par Richard MALLIE, Député des Bouches-du-Rhône sur l’assouplissement des règles du travail dominical. Libéraliser et généraliser le travail du dimanche suscitent des réactions très partagées, tant au sein des parlementaires, que de la population, témoignant ainsi des enjeux fondamentaux que cette proposition soulève. Elle renvoit, en effet, à notre propre représentation des notions d’activité et de repos, elle met en cause notre référentiel commun du « vivre ensemble », et bouleverse nos repères temporels et culturels.
Je suis pour ma part intimement convaincu que le dimanche est porteur de valeurs collectives et qu’il doit être préservé ! Si des sondages s’attachent à démontrer que 67% des français « seraient prêts à travailler le dimanche », il paraît nécessaire de préciser que 60% des sondés pensent que le dimanche reste un moment important pour la vie familiale et sociale, et que moins de 20% y voient un levier économique.
Etre opposé au travail dominical, c’est être avant tout porteur d’une vision humaine, juste et équilibrée de la vie économique, du lien social et de ce que doit être notre « Grand Intégrateur », ce qui nous fait vivre ensemble.
Ce concept de « Grand Intégrateur » a évolué au fil des siècles, s’identifiant d’abord à la religion, puis à la Monarchie, à la Famille, et dernièrement au Travail, plus précisément au Salariat !
Mais avec la crise des années 80, le développement du chômage de masse et des phénomènes d’exclusion, nous avons assisté à la panne de ce « Grand Intégrateur », qui ne parvient plus à remplir son rôle d’inclusion de tous les membres de la société dans un ensemble cohérent. Nous sommes aujourd’hui en quête d’un référentiel global, qui fédèrera l’ensemble des citoyens, et je ne pense pas que le travail dominical soit porteur d’un véritable projet collectif de société.
Ma position est donc fondée sur trois types de considérations.
D’abord, des arguments économiques ! Dans un contexte de tensions économiques, qui pèsent sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, il est évidemment tentant d’inscrire dans le travail dominical un objectif de relance de la croissance, par une relance de l’activité commerciale. Mais au nom de quel miracle économique l’ouverture des commerces le dimanche offrirait aux français un pouvoir d’achat supérieur qui leur permettrait de consommer la semaine et ce jour supplémentaire ? Le pouvoir d’achat n’est pas extensible, et il faut bien être conscient que ce que dépenseront les français le dimanche, ne le sera plus la semaine. Au détriment bien sûr, du commerce de proximité et des centres villes.
Ce dernier serait évidemment le grand perdant de cette libéralisation du travail dominical, dans la mesure où il n’est pas en situation de concurrence égale avec les grands centres commerciaux, qui eux, ont les moyens humains et logistiques pour assurer cette activité supplémentaire.
En tant que Président du Groupe d’Etudes sur le commerce non sédentaire, les marchés et le commerce de proximité à l’Assemblée Nationale d’une part, et que Maire d’une commune de 15 000 habitants, au cœur d’une circonscription rurale, je ne peux admettre que cette proposition de loi anéantisse les efforts accomplis par les élus locaux, qui se battent au quotidien pour préserver leur cœur de ville, leur identité et leurs commerces, principaux vecteurs de lien social et d’animations !
Quel sera le devenir des foires et des marchés dominicaux, qui au délà de la création de richesses économiques pour le commerce non sédentaire, contribuent largement à la convivialité et à la vitalité du lien social, à l’animation des centres villes, à la préservation du terroir et de la ruralité… ?
En tant que Député, je me dois aussi d’avoir une vision généraliste de l’esprit de la loi ; il faut bien comprendre que les réalités locales et géographiques très variées et parfois profondément différentes de notre territoire ne nous autorisent pas à appréhender ces propositions de la même manière en Ile-de-France, à Plan de Campagne et dans le reste de la France.
Ensuite, des enjeux sociétaux ! N’est-il pas en effet du rôle du politique que de dépasser une simple vision économique de la vie de la cité, en affichant un véritable choix de société ! Que souhaitons-nous faire de nos administrés ? de simples consommateurs ou de véritables citoyens, acteurs à part entière de la vie en société ?
Dans un contexte de délitement du lien social, de « démission » de la parentalité, de développement de l’individualisme et de l’isolement, c’est notre référentiel commun global qui est menacé, non sans avoir un coût pour la société (impacts sur l’éducation nationale, sur la sécurité, sur la solidarité….). Généraliser le travail dominical, c’est aggraver cette situation déjà fort préoccupante.
Le dimanche est un marqueur fondamental de notre vie familiale. ; ce temps partagé ensemble est précieux pour maintenir et faire vivre le lien familial, pour préserver la vie de couple, et surtout assurer aux enfants une présence éducative et parentale indispensable à la construction de nos citoyens de demain. Ces valeurs n’ont pas de prix, et ne peuvent être placées en balance avec un hypothétique enrichissement économique.
La vitalité de la vie associative pourrait également être mise à mal par le développement des activités commerciales le dimanche. Nous connaissons tous aujourd’hui les difficultés rencontrées pour mobiliser des bénévoles, susciter l’engagement dans la vie publique ; qu’en sera-t-il lorsque le seul moment encore réservé aux loisirs et au monde associatif sera consacré à une activité commerciale et lucrative, dépourvue de sens du partage et de relations humaines ?
C’est ainsi et logiquement que tout le secteur des loisirs, de la vie culturelle et des activités de plein air sera touché, par une désaffection du public au profit des centres commerciaux qui n’apportent aucune valeur ajoutée au lien social.
De manière plus surprenante encore, et à l’heure où le concept de développement durable habite tous les esprits au point d’être devenu un critère dans toutes nos interventions et actions publiques, et anime les débats parlementaires dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, la libéralisation du travail dominical s’inscrit en totale contradiction avec cette tendance affirmée.
En effet, il faut bien avoir à l’esprit que l’ouverture dominicale concernera essentiellement les grands centres commerciaux urbains, dont la zone de chalandise représente un vaste périmètre, allant parfois jusqu’à une centaine de kilomètres. Cette nouvelle « activité dominicale » engendrera sans aucun doute des nuisances pour l’environnement avec la multiplication des déplacements, en transport individuel dans la plupart d
es cas.
Le magnétisme des centres urbains s’en trouvera amplifié, au détriment de toute considération d’aménagement du territoire, qui tendrait à un équilibre des espaces; c’est non seulement la ruralité qui est en péril, mais plus globalement toutes les petites communes qui représentent 90% des 36 500 communes de France !
Enfin, des considérations d’ordre social ! Comment ne pas penser aux salariés confrontés à un « libre » choix sur lequel pèsera forcément un « sentiment » de contrainte lié à leur position au sein de leur entreprise ? Quelle sera la véritable capacité d’un employé à refuser de travailler le dimanche, sans que sa décision n’ait d’impact sur sa carrière et son avancement ? La promotion sociale risque donc d’être freinée pour les personnes qui resteraient attachées à ces valeurs bien légitimes de la vie familiale et du lien social.
L’ensemble de ces arguments représente le socle d’une vision de notre société pour laquelle j’entends me mobiliser ; il en va de notre avenir, celui de ce que les sociologues appellent « faire société ensemble », et qui ne peut reposer en aucun cas uniquement sur des critères de développement économiques, dont les secousses actuelles du système rappellent leur caractère profondément aléatoire.
La proposition de loi du Député Richard Mallié vise à définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires:
– Elle allège les dispositions du Code du travail relatives au repos dominical en permettant un roulement du repos hebdomadaire.
– Elle territorialise l’ouverture dominicale, en la réservant aux zones commerciales d’attractivité exceptionnelle (agglomérations) et les zones touristiques.
– Elle propose l’inscription du Droit de refus dans le Code du Travail (aucune sanction pour les salariés qui n’accepteraient pas de travailler le dimanche).
– Elle permet aux commerces de détail alimentaires d’ouvrir le dimanche jusqu’à 13 heures au lieu de 12 heures
Il s’agit bien là des premiers pas vers la généralisation inéluctable du travail dominical. Pour toutes les raisons invoquées précédemment, je pense que cela ne serait vraiment pas raisonnable.
BERNARD REYNES
DEPUTE DES BOUCHES-DU-RHONE