L’Eglise de France prend à bras- le-corps les questions de société

Le Pèlerin, 4/11/08 – Nicolas Seneze, à Lourdes

Dans son discours d’ouverture de l’Assemblée plénière de l’épiscopat, mardi 4 novembre, le cardinal Vingt-Trois a mis en garde contre « les dommages humains et sociaux » du travail dominical.

Travailler plus pour gagner plus ? Le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la Conférence des évêques de France, n’est pas forcément d’accord avec le mot d’ordre de Nicolas Sarkozy.

« Gagner plus doit-il devenir le principal objectif de l’existence ? », a-t-il lancé mardi matin à Lourdes, dans son discours d’ouverture de l’Assemblée plénière d’automne de l’épiscopat. Une question en guise de réponse au projet du gouvernement de libéraliser le travail dominical (lire aussi page 3). « Beaucoup de gens nous interpellaient sur ce sujet, confiait un évêque à la sortie. Il fallait une parole forte, et c’est bien qu’elle vienne du président. »

De fait, le discours du cardinal Vingt-Trois était celui d’une Église décomplexée, qui n’a pas peur de prendre la parole dans la société. D’abord parce qu’elle est consciente de ses forces : « L’image trop souvent donnée d’une Église en décadence et sans avenir ne correspond pas à la réalité, a relevé l’archevêque de Paris, se référant au voyage de Benoît XVI en France. Nous avons vu une Église où les jeunes, adolescents, étudiants, jeunes professionnels, jeunes familles avec leurs enfants, tenaient une place centrale et donnaient à nos rencontres un climat de joie, de sérénité et de recueillement tout à fait impressionnant. »

« Le dimanche, le jour d’une vie familiale plus intense et plus riche »

Mais cette Église qui parle à la société est aussi consciente de ses faiblesses, qu’elle affronte sans détour. « Les questions que le pape a évoquées (lors de sa visite à Lourdes, NDLR) sont les mêmes questions qui font l’objet de nos préoccupations permanentes : les vocations, la famille, la catéchèse et la jeunesse, l’unité des communautés, l’engagement dans les relations œcuméniques et les relations avec nos frères juifs, la rencontre des religions non chrétiennes », a rappelé le cardinal, qui s’est aussi longuement étendu sur le Synode des évêques, auquel il vient de participer à Rome sur le thème de la Parole de Dieu.

C’est justement parce qu’elle entend porter la Bonne Nouvelle au monde que l’Église de France se sent le droit d’intervenir dans les débats de société. Y compris quand il s’agit de crise économique. « Certes, notre Église n’a ni la mission ni la compétence pour apporter des solutions à ces problèmes, reconnaît le président de la Conférence épiscopale. Mais elle a la mission et la compétence pour aider nos concitoyens à vivre humainement dans ce contexte économique et pour en mesurer les enjeux moraux. »

D’où les appels du cardinal Vingt-Trois à « prendre en compte les limites des richesses à partager » ou au « partage du travail et du développement avec les autres peuples de la terre ». Mais aussi sa prise de position sur le travail du dimanche : « Le dimanche est aussi le jour d’une vie familiale plus intense et plus riche », a-t-il expliqué, mettant en garde contre « les dommages humains et sociaux (…) sans commune mesure avec le profit économique » qui résulterait d’une généralisation du travail dominical.

C’est avec cette même volonté de ne pas « laisser instrumentaliser et commercialiser l’être humain sans aucune mesure ni aucune limite » que le président de la Conférence a placé le travail de l’Assemblée sur les questions bioéthiques. Autant de questions « sur les enjeux humains et moraux des décisions à prendre », sur lesquelles l’Église espère bien que ses avis ne seront « pas sous-estimés devant l’autorité sans partage de spécialistes qui ont parfois tendance à négliger ces dimensions éthiques de la réalité, au moins jusqu’à ce qu’une crise grave les impose ».

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