Libération, 10/11/08, Sonya Faure
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Décryptage – De plus en plus courant, le dimanche travaillé est payé différemment selon les branches… et les patrons.
Le 28 octobre, lors d’un discours à Rethel (Ardennes), Nicolas Sarkozy racontait : «L’autre jour, j’ai été acheté un livre dans un magasin ouvert le dimanche. C’est une jeune fille qui m’a servie. Je lui ai demandé : « Cela vous plaît de travailler le dimanche ? » Elle me répond : « Bien sûr, le dimanche, ce n’est pas plus long que le lundi, simplement, on est payé double. »» Cette jeune fille a de la chance. Car en réalité, même dans le commerce, peu de travailleurs du dimanche sont payés double.
Le dimanche, ce n’est pas (forcément) des heures sup
Dans de plus en plus d’entreprises, si le salarié ne dépasse pas les 35 heures sur l’ensemble de la semaine, du lundi au dimanche, l’employeur n’a pas à majorer de 25 % – comme il le fait pour les heures supplémentaires – les heures travaillées le dimanche. «Dans les années 90, la durée légale du temps de travail de 39 heures courait le plus souvent du lundi au samedi : le travail du dimanche était forcément payé en heures sup, explique Isabelle Leroy, représentante de la CFDT Littoral (Côte-d’Opale). Mais les entreprises qui ont signé des accords d’annualisation du temps de travail à l’occasion du passage aux 35 heures RTT ont alors souvent assimilé le dimanche à un jour habituel.»
Cinq dimanches par an, 1/30e de salaire
Les commerces peuvent demander à leur maire d’ouvrir exceptionnellement le dimanche (pendant la période de Noël, par exemple), dans la limite de cinq dimanches par an. La seule obligation alors inscrite dans le code du travail est de verser une majoration de 1/30e de salaire à l’employé. Et un 1/30e du Smic, ce n’est pas lourd… Bien sûr, une entreprise peut payer davantage ses salariés, mais c’est de son propre chef.
L’injustice du cas par cas
Les magasins peuvent également demander à leur préfet une dérogation quand ils considèrent, notamment, qu’ils se trouvent dans une zone touristique (les Champs-Elysées, par exemple). Dans ce cas, comme pour celui des «cinq dimanches», c’est l’injustice du cas par cas qui s’impose. Les majorations varient en fonction des conventions collectives négociées au niveau des branches d’activité et des accords d’entreprises. «Sur les 40 conventions collectives du commerce, seules 5 prévoient une compensation obligatoire pour le dimanche travaillé», assure Daniel Bertrand de la CFDT commerce Ile-de-France. Et les salariés des grandes entreprises, où les syndicats sont mieux implantés, s’en sortent globalement mieux que ceux des PME. Les salariés d’Ikea sont payés double ou plus, d’autres commerces se contentent d’une majoration de 7 %, d’autres encore, plus rares, se bornent à un repos compensateur. «J’ai sous les yeux une lettre de la direction d’une grande surface du Var qui explique à l’une de ses salariées que le travail du dimanche ne sera pas majoré, raconte Michèle Chay, secrétaire générale de la CGT commerce. Motif : ce ne serait pas du travail exceptionnel, mais un effet de la modulation du temps de travail.»
L’imbroglio des exceptions
Plusieurs métiers ont le droit d’ouvrir tous les dimanches : les hôtels, les fleuristes, les magasins de meubles par exemple, ou les petites surfaces de commerce alimentaire, le matin. Mais dans ce cas, l’ouverture dominicale n’est plus exceptionnelle… et les entreprises ne sont alors même plus soumises à la règle des 1/30e. L’employeur n’a aucune obligation de payer plus ses salariés.
Et demain ?
La prochaine loi, si elle passe, changera-t-elle ce patchwork de situations ? Xavier Bertrand, le ministre du Travail, a dit être favorable à une rémunération doublée le dimanche pour les salariés concernés par cet élargissement du travail dominical. Mais les conditions resteraient les mêmes pour les secteurs où le dimanche est déjà travaillé. Et que se passera-t-il pour les salariés des sous-traitants du commerce (dans la propreté, la sécurité…), qui devront, du même coup, renoncer à leur jour de repos ? Peu de chance qu’ils profitent eux aussi de la majoration à 100 % pour l’instant promise aux salariés du commerce… «Ce mois-ci, j’ai rencontré une sous-traitante dans la sécurité, rapporte Daniel Bertrand de la CFDT commerce Ile-de-France. Elle touchait 17 euros de plus pour travailler deux dimanches par mois.»