Carouf ouvre un nouveau magasin en Belgique, avec des salariés payé 25% de moins que leurs collègues, y compris le dimanche. Travail 6 jours par semaine, horaires s’étalant entre 5 heures du matin et minuit, 40 dimanches travaillés par an sans la moindre compensation. Bienvenue au pays de l’hyper-consommation… |
Le Mague, 17/10/08
L’enseigne Carrefour ouvre un nouveau magasin en Belgique avec un personnel payé 25% moins cher que dans l’ensemble du groupe, y compris les dimanches. Les syndicats se mobilisent vendredi, tandis que la volonté gouvernementale d’autoriser le travail dominical en France est confortée à l’heure actuelle par 67% des salariés dans les grandes surfaces sur le territoire.
L’enseigne Carrefour ouvre un nouveau magasin en Belgique avec un personnel payé 25% moins cher que dans l’ensemble du groupe, y compris les dimanches. Les syndicats se mobilisent vendredi, tandis que la volonté gouvernementale d’autoriser le travail dominical en France est confortée à l’heure actuelle par 67% des salariés dans les grandes surfaces sur le territoire.
Les syndicats belges se félicitent de l’ouverture mercredi prochain du 57ème hypermarché qui créera 150 emplois dans la ville touristique de Bruges, mais ils reprochent à la direction un montage juridique pour le loger dans une société indépendante qui lui permet plus de flexibilité vis-à-vis du personnel et des salaires inférieurs de 25%. Les actions démarrent vendredi, avec le blocage du siège de la filiale belge et du magasin Carrefour situé au rez-de-chaussée. Elles prévoient ensuite de bloquer le nouveau point de vente le jour de son ouverture.
Ensuite, nous mènerons des actions chaque week-end dans différents magasins jusqu’à ce que nous ayons obtenu l’intégration de cet hypermarché dans la Commission paritaire 312 comme les autres hypermarchés, explique Myriam Delmée, de la fédération syndicale SETCa. Nous ne pouvons pas laisser Carrefour s’infiltrer dans cette brèche, poursuit Irène Pètre, membre de l’organisation CNE, ce serait la porte ouverte pour l’ensemble du secteur. Delhaize prépare d’ailleurs une ouverture du même type à Gembloux, début 2009, avec une nouvelle enseigne baptisée Smart Food Shopping !
Chez Carrefour, Marc Oursin, directeur exécutif de la filiale belge explique ce choix par l’opportunité d’ouvrir une quarantaine de dimanches par an de manière rentable. La ville de Bruges est le chef-lieu et plus grande ville de la province de Flandre occidentale et offre en temps que zone touristique, une aubaine aux distributeurs. Dans la Commission 312, le personnel employé le dimanche doit être rémunéré à 300%. Dans la commission paritaire 202.01, dans laquelle Carrefour espère pouvoir loger ses employés brugeois, aucun supplément salarial n’est imposé.
La question fait débat en France aussi, car le gouvernement mène régulièrement campagne pour l’ouverture des magasins le dimanche, en pensant promouvoir ainsi le pouvoir d’achat. Dimanche dernier 12 octobre, Xavier Bertrand et Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, étaient à Thiais, pour affirmer une nouvelle fois la nécessité de donner la possibilité de travailler le dimanche. Avec en corollaire l’engagement du candidat Nicolas Sarkozy de travailler plus pour gagner plus !
Mais la CFTC ne l’entend pas de cette oreille, et souligne que les magasins de la zone commerciale de Thiais-Villages sont ouverts au mépris de la loi, le syndicat ayant fait condamner les enseignes les unes après les autres… Le président de la Fédération Commerce, Services et Forces de Vente Patrick Ertz indique au journal Le MAGue être en train d’intenter une action contre le préfet du Val-de-Marne qui a pris à Thiais un arrêté pour autoriser l’ouverture dominicale de plusieurs magasins de façon nominative afin de contourner les décisions de justice.
Pour lui, l’ouverture des commerces le dimanche est plutôt destructeur d’emploi dans la mesure où il grignote et il tue le petit commerce. Il prend pour exemple de sa démonstration la période de noël, où le chiffre d’affaires est en fait également réparti sur tout l’intervalle de temps. L’activité enregistrée le dimanche est à retrancher de celle qui vient à manquer le reste de la semaine ! Patrick Ertz insiste sur le fait que 17 fédérations patronales s’opposent avec la CFTC au travail dominical, parce que les commerçants ont aussi besoin de souffler !
En France, nous précise-t-il, il n’y a aucune obligation à payer les salariés plus le dimanche. Il existe un grand nombre de magasins d’alimentation ouverts le dimanche en centre-ville, sans que les caissières et les réassorts perçoivent de majoration salariale. En revanche, des magasins de bricolage y trouvent un avantage à le faire, mais seulement dans la mesure où leurs concurrents sont fermés. Leur attitude est perfide en ce sens qu’ils incitent leur personnel à défendre leur cause avec une rallonge en fin de mois, mais ils n’y trouveront plus d’intérêt à la leur accorder dès que tout le monde aura le droit d’ouvrir le dimanche.
L’ouverture dominicale pèse en plus sur les frais généraux des grandes et moyennes surfaces : éclairage des locaux, stockage supplémentaire en l’absence de livraisons le dimanche, sécurité, etc. La générosité de certains commerçants à l’endroit de leurs employés va disparaître au moment où il n’y aura plus de passe-droit, et que le régime sera identique à tout le monde… Ainsi, les centres Leclerc font figure d’originaux dans la profession en refusant d’enfourcher ce cheval de bataille : patrons ou salariés, sous notre enseigne, sommes d’accord pour des adaptations, mais nous ne sommes pas contre le repos dominical. Il y a une vie après la ligne de caisses, s’insurge Michel-Édouard Leclerc, peut-être aussi influencé par son éducation religieuse.
À Bruges, le magasin aura la possibilité d’ouvrir ses portes 39 dimanches par an : de juin à fin septembre et à des dates particulières comme la Saint-Valentin, la fête des mères ou encore durant les s
oldes… Avec une gamme de produits large, le magasin espère notamment attirer les touristes de passage dans la région ou séjournant sur le littoral tout proche. Le magasin pense inaugurer un nouveau système de caisses auxquelles les clients pourront soit scanner eux-mêmes ou faire scanner le contenu de leur chariot par une vendeuse avant de payer leurs achats grâce à un automate. L’emploi généré n’en est donc pas moins très rigoureusement compté.
En plus, la direction a découvert une faille juridique qui permet de soumettre les salariés brugeois à de mauvaises conditions de travail. Elle affirme que ces conditions seront limitées à ce magasin, mais cette pratique risque de s’étendre à d’autres entreprises du secteur, estiment les porte-parole du front syndical SETCa-CNE : il s’agit d’un subterfuge inacceptable que tente d’utiliser la direction de Carrefour : passer artificiellement vers la commission paritaire 202.01, celle des « moyennes entreprises d’alimentation », totalement inadaptée à une entité comptant 250 travailleurs.
Pour ne prendre que quelques exemples, les travailleurs y seraient payés un quart de moins que leurs collègues des autres magasins. Ils pourraient prester jusqu’à 6 jours par semaine, avec des horaires pouvant s’étaler entre 5 h du matin et minuit. En outre, le personnel devrait travailler jusqu’à 40 dimanches par an sans la moindre compensation. Il n’aurait pas de délégation du personnel pour le défendre.
Interrogé à ce sujet, Patrick Ertz affirme qu’un tel cas ne peut se reproduire à l’identique en France, dans la mesure où il n’existe que 2 statuts pour le personnel des entreprises de distribution, selon qu’elles emploient plus ou moins de 11 personnes. La convention collective est définie par l’activité, ce ne sont pas les personnels qui choisissent d’adhérer à l’une ou à l’autre, précise-t-il au journal Le MAGue.
Ceci dit, le commerce et la distribution sont régies par 27 conventions différentes, ce qui constitue un véritable maquis juridique ; pour Patrick Ertz, le gouvernement préfère légiférer métier par métier, ce qui crée la confusion et divise les salariés. La situation des caissières et des réassorts belges est donc à considérer par tout le monde, car même en supposant qu’elle ne peut être reproduite à l’identique ailleurs, elle participe d’un même engouement en faveur du travail dominical, lequel est susceptible de se retourner rapidement contre tous les salariés.