Cet article du Monde, qui note la forte opposition rencontrée par le projet de M. Bertrand, relève un point majeur : les affirmations, intuitivement choquantes, martelées depuis quinze jours dans les discours officiels, ne sont étayés par aucun argument valide. En effet, si M. Bertrand assène que « le travail du dimanche, c’est de la croissance et de l’emploi », pour ce qui concerne l’emploi, les emplois possiblement créés dans la grande distribution ne compenseraient très certainement pas les emplois certainement détruits dans le commerce traditionnel, et pour ce qui concerne la croissance, on ne voit pas comment, à pouvoir d’achat constant (rappelons que la proposition Mallié ne prévoit AUCUNE majoration salariale pour travail du dimanche), le travail 7/7 créérait de la croissance. Voilà un sérieux hic pour M. Bertrand. Mais il est vrai que quand on est capable de bidonner un sondage, on doit bien être capable de bidonner quelques études économiques… |
Le Monde, 15/10/08, Rémy Barroux
Il ne se passe pas un week-end, ou presque, sans que le ministre du travail, Xavier Bertrand, ou un autre membre du gouvernement ne revienne à la charge sur le travail du dimanche. Dimanche 12 octobre, Xavier Bertrand et Luc Chatel, secrétaire d’Etat chargé de l’industrie et de la consommation, étaient à Thiais dans le Val-de-Marne. Une nouvelle occasion de réaffirmer la nécessité de » donner la possibilité de travailler le dimanche « . Cette promesse du candidat Nicolas Sarkozy est aujourd’hui un élément important du » travailler plus pour gagner plus « , censé répondre en partie aux problèmes grandissants de pouvoir d’achat des Français. Le lundi 13 octobre, Xavier Bertrand a enfoncé le clou et a proposé que » les crèches puissent être ouvertes sept jours sur sept quand il le faut « . Mais si le gouvernement a annoncé une loi avant la fin de l’année, il se heurte néanmoins à une hostilité importante.
A l’heure actuelle, le travail dominical est interdit* sauf dérogation, même si de nombreuses enseignes du commerce en particulier ouvrent le dimanche sans en avoir l’autorisation**. Ce qui a entraîné des conflits avec les organisations syndicales. Le ministre a rappelé qu’il y avait « 3,5 millions de Français travaillant aujourd’hui le dimanche et 7 millions occasionnellement « .
Sur la base du volontariat et payé double. Le gouvernement veut reprendre les termes du projet de loi du député Richard Maillé (UMP, Bouches-du-Rhône) qui préconise de faciliter l’ouverture dominicale des commerces, sur la base du volontariat et à condition que ce travail « soit payé double »***. De leur côté les syndicats, CFTC en tête, font valoir que le volontariat n’existe pas vraiment. « Le salarié n’a pas la liberté de choisir « , explique la confédération syndicale chrétienne. Elle avance aussi qu’aucune loi n’oblige en France à payer plus et « beaucoup de salariés travaillent le dimanche sans être payé plus ». Confrontés à d’importants problèmes de pouvoir d’achat des salariés, notamment dans la grande distribution, les syndicats se montrent néanmoins souvent compréhensifs à l’égard des salariés qui ont recours au travail dominical pour augmenter leur salaire.
Quels effets économiques ? Au-delà des syndicats qui critiquent une mesure qui met à bas « le repos dominical qui doit rester un repère collectif », selon les termes de la CGT, les organisations patronales, CGPME et UPA sont aussi critiques. L’Union professionnelle artisanale estime qu’une « ouverture généralisée des commerces le dimanche n’aurait pas pour effet d’augmenter le volume global de consommation mais conduirait simplement à répartir différemment les achats sur l’ensemble de la semaine ». A l’opposé de l’argument gouvernemental selon lequel l’activité supplémentaire créerait la croissance et l’emploi. La CGPME, elle, dénonce ce qui serait « un coup fatal porté au commerce de proximité ». Au sein de l’UMP même, les doutes subsistent chez certains députés sur l’efficacité d’une telle mesure.
Une mesure soutenue par l’opinion ? Le gouvernement entend s’appuyer sur un sondage IFOP qui indiquait, dans le Journal du Dimanche du 12 octobre, que 67 % des Français accepteraient de travailler le dimanche si leur employeur le leur proposait – à condition que cela soit mieux payé. « Ce sondage montre que les esprits sont en train d’évoluer », a fait valoir M. Bertrand, en rappelant que la proportion était de 51 % en octobre 2007. Les syndicats ont dénoncé, eux, » une manipulation de l’opinion ». « Tout ce que montre ce sondage biaisé, a déclaré Joseph Thouvenel (CFTC), c’est que les Français veulent gagner plus, peu importe le jour. «
* La réalité est beaucoup plus nuancée : voir cette page. Ce qui est interdit, c’est de faire travailler les salariés plus de six jours d’affilée, le repos hebdomadaire devant être donné le dimanche. De nombreuses dérogations de bon sens, heureusement, existent pour donner la souplesse nécessaire à ce principe général.
** De nombreuses enseignes ouvrent aussi parfaitement légalement le dimanche. La volonté du Gouvernement de ne pas faire respecter la Loi, exprimé par le soutien public de Ministres en exercices à des entreprises régulièrement condamnées, entretient la confusion entre délinquants et citoyens respectueux des lois, et crée les conditions d’une concurrence déloyale entre enseignes.
*** La proposition de loi Mallié ne prévoit AUCUNE compensation de salaire pour travail dominical, renvoyant cette éventualité à d’hypothétiques accords de branches