Libération, 28/10/08 – Christophe Forcari
[…] Face au silence des socialistes englués dans leurs querelles intestines de précongrès, le patron du Modem laboure sans difficulté le terrain social laissé en jachère par ses concurrents. «C’est vrai que le PS nous facilite grandement la vie», s’amuse Eric Azière, responsable des fédérations du parti centriste.
A l’hypermarché, à l’heure de la pause, François Bayrou, installé devant un café, papote avec les salariés, les interroge sur le travail du dimanche. «Déjà nous n’avons qu’un jour de repos par semaine, alors travailler tous les dimanches… Et si cela se fait, ce ne sera pas de manière volontaire», prédit Nathalie, employée à la boulangerie et treize années passées sous l’enseigne Auchan. Même un cadre dirigeant de l’hyper s’élève contre le projet gouvernemental : «Le dimanche, j’ai autre chose à faire. A commencer par passer du temps avec ma famille.»
Dans la banlieue de Roubaix où la Redoute a annoncé la suppression de 151 emplois, François Bayrou avait vivement dénoncé la généralisation du travail du dimanche comme «une réforme de régression. Est-ce que nous voulons transmettre à nos enfants un monde où toutes les heures de tous les jours seront marchandes ? Il faut leur montrer que la consommation n’est pas le seul repère». Pour lui, «la crise révèle la ruine du modèle de société» à l’américaine défendu par le chef de l’Etat. «Nicolas Sarkozy assume le capitalisme mais moi je pense que ce n’est pas un modèle de société pour la France. Je ne crois pas dans la distinction entre un capitalisme financier mauvais et un capitalisme industriel vertueux. Mon modèle est humaniste. Tout ne se résume pas à la production et à la consommation», poursuit le patron du Modem, laudateur des vertus de la régulation européenne. Raison pour laquelle il a d’ailleurs approuvé le plan de sauvetage des banques. «Dans ce domaine, le chacun pour soi, c’est le zéro pour tous», estime l’opposant irréductible à Nicolas Sarkozy.
La prochaine étape de son tour de France le conduira à Mayotte où il avait réalisé son plus haut score avec 34 % des voix. «Continuez à parler de nous ! Vous êtes le seul à le faire aujourd’hui. Peut-être qu’on s’en souviendra au moment de glisser un bulletin dans l’urne», lui lance un client. Exactement ce que le futur candidat Bayrou, qui se veut «à l’écoute des gens», souhaitait entendre.